DESINTEGRATION
TEREZIN
IN MEMORIAM
Le 1er février 2003, la navette spatiale Columbia a explosé, tuant les 7 membres d'équipage, y compris Ilan Ramon, le 1er astronaute israélien
Pour Ilan Ramon, pilote de chasse israélien, fils de rescapés de la Shoah et père de quatre enfants, être le premier israélien dans l’espace, n’est pas qu’une simple expérience scientifique mais une mission morale, celle d’être « un ambassadeur représentant tous les Juifs et les Israéliens ».
Bien que non pratiquant, Ilan Ramon a crée la surprise en demandant de la nourriture cachère pour son séjour de 16 jours dans l’espace. La NASA lui procure alors des mets déshydratés préparés par une compagnie américaine de restauration aérienne cachère. Par ce geste symbolique, il manifeste alors son profond respect pour la Tradition Juive.
Pour lui, ce voyage dans l’espace est une occasion précieuse pour jeter un pont entre israéliens laïcs et religieux. Il a le sentiment qu’un des facteurs clé de l’unité juive demeure dans le respect de la Tradition qui nous a portés des millénaires durant.
Par son geste, Ramon signifie très ostensiblement que la Torah fait partie intégrante de la vie israélienne
Nous devons trouver le moyen de rapprocher les membres de notre peuple, de montrer plus de patience et de compréhension”, avait déclaré Ramon. “J’espère que le fait que je mange cacher sera porteur d’un message de bonne volonté dans cette direction”.
Dans ses bagages, Ilan Ramon emporte aussi, avec lui, un Rouleau de Torah miniature qu’un jeune garçon de Bergen-Belsen avait reçu, soixante dix ans auparavant, du Rabbin d’Amsterdam pour sa Bar-mitsva, afin, selon lui, de montrer “la capacité du peuple juif à survivre à toutes les situations, même aux périodes les plus horribles, et à passer des jours les plus sombres à des jours d’espoir et de foi en l’avenir”.
Ilan Ramon a été choisi pour représenter Israël dans la conquête spatiale pour ses qualités de pilote et ses études scientifiques. Il a participé, en tant que pilote de chasse, à la Guerre de Kippour et à celle du Liban en 1982, où il a survécu à une collision en s’éjectant de son avion de combat. Il a fait partie des huit pilotes israéliens qui ont bombardé le réacteur nucléaire iraquien en 1981.
Dans son rôle d’ambassadeur, Ramon accorde une place particulière à la Shoah. Sa mère a passé 18 mois à Auschwitz, et une grande partie de sa famille y a péri.
A bord de la navette, Ramon emporte également une œuvre d’art du Musée Yad Vashem : un dessin en noir et blanc intitulé « Paysage Lunaire ». Créé par Petr Ginz, un jeune garçon de 14 ans originaire de Tchécoslovaquie exterminé à Auschwitz, il représente Petr regardant la Terre depuis la Lune.
Ramon met un point d’honneur à parler à des groupes de rescapés de la Shoah. “Ils ont un regard plein de force”, dit-il. “Ils font revivre, à travers moi, leurs espoirs brisés par la Shoah. Ils voient que, malgré les horreurs que nous avons endurées, nous continuons à aller de l’avant”.
La mission de Ramon a suscité des questions spirituelles intéressantes. Il est impossible d’allumer les bougies de Chabbat dans l’espace, cependant, Ramon espère pouvoir faire le Kiddouch sur du jus de raisin en sachet (dans un espace dépourvu de gravité terrestre, il est impossible de boire dans un verre). Reste à savoir quand faire le Kiddouch. Sur terre, Chabbat tombe tous les sept jours. Mais en faisant le tour de la terre à 30 000 kilomètres à l’heure, Ramon assiste au lever du soleil à chacune de ses circonvolutions, soit toutes les 90 minutes. Cela signifie-t-il que Ramon doit célébrer le Chabbat tous les sept tours ?
C’est au cours d’une rencontre avec le Rav Zvi Konikov qu’Ilan trouve les réponses à ses questions spirituelles. Une rencontre que le Rav Zvi Konikov voit comme une leçon spirituelle extraordinaire et puissante :
« J’ai rencontré Ilan Ramon pour la première fois lors d’une réunion presque clandestine dans ma ville de Satellite Beach, en Floride. Les agents de la NASA et les équipes de sécurité israéliennes avaient pris des mesures de sécurité extraordinaires pour s’assurer que rien ne tournerait mal. Même le lieu avait été gardé secret jusqu’au jour de notre entrevue.
Ilan s’est adressé aux présidents de communautés juives rassemblés pour l’occasion. Après son discours, il s’approcha de moi. Il me donna une chaleureuse accolade et m’exposa sa requête : « M. le rabbin, j’ai besoin de vous parler. Je veux respecter le Chabbat pendant mon séjour dans l’espace, mais personne ne peux me dire comment faire !
Ilan était un Juif extraordinaire. Il m’a souvent confié qu’il considérait son voyage dans l’espace comme une mission. « Je vais représenter le peuple juif tout entier », disait-il. Et en tant que représentant du peuple juif, il voulait tout accomplir de la meilleure manière possible du point de vue du Judaïsme, y compris observer le Chabbat et consommer uniquement de la nourriture cachère.
« De la nourriture cachère ? » Les agents de la NASA avaient haussé les épaules en entendant l’étrange demande de l’astronaute juif. Mais Ilan n’était pas du genre à abandonner si facilement et une solution fut trouvée. La NASA contacta la société My Own Meals basée à Deerfield dans l’Illinois qui fabrique des rations alimentaires pour campeurs certifiées cachères dans des étuis « thermostabilisés ».
Le Chabbat représentait aussi un sacré défi. Un cycle jour/nuit en orbite dure à peu près 90 minutes, ce qui veut dire qu’une semaine dure à peine dix heures et demi du début jusqu’à la fin ! Ilan devait-il observer le Chabbat une fois par demi-journée ?
A sa demande, j’ai présenté son cas à certaines des plus hautes autorités rabbiniques dans le monde, qui ont statué qu’il devait observer les horaires de Chabbat de son lieu de décollage, Cap Canaveral.
La fierté juive d’Ilan et sa décision de pratiquer le Torah à des milliers de kilomètres de la Terre firent une profonde impression sur notre communauté comme sur les Juifs du monde entier.
Ilan avait émis le souhait de visiter notre Beth ‘Habad avant son voyage dans l’espace, mais son emploi du temps serré ne l’avait pas permis. Nous avions convenu qu’après son retour il participerait à une réception que nous organiserions en son honneur. Nous n’avions jamais imaginé que sa mission spatiale s’achèverait dans des circonstances tellement tragiques…
Le Chabbat matin, je marchais en direction de la Choule, accompagné de ma fille. A 9h16, l’heure estimée de rentrée dans l’atmosphère, ses yeux étaient fixés sur sa montre et elle attendait le boom supersonique signalant le passage de la navette spatiale. Mais les cieux demeurèrent silencieux.
Nous arrivâmes à la Choule et la prière commença. Soudain, un ami du poste de police du quartier apparut, nous disant qu’il y avait eu un accident et que tous les membres de l’équipage avaient été tués. Les gens commencèrent à affluer au Beth ‘Habad. Certains déposèrent des fleurs au pied du panneau électronique qui souhaitait à l’équipage un bon retour. Le Chabbat passa dans un mélange confus d’incrédulité et de peine.
Une semaine plus tard, vendredi matin à 9h16 précises – l’heure à laquelle ils auraient du atterrir – une brève mais bouleversante cérémonie eut lieu et il me fut demandé de partager quelques sentiments. La tristesse était palpable dans l’atmosphère. Au nom d’Ilan et de sa famille, j’ai remercié les équipes de la NASA pour leurs efforts et j’ai fait de mon mieux pour les réconforter : « Ilan m’a dit « Jérusalem, nous avons un problème ! », leur dis-je. « Il voulait savoir comment observer le Chabbat lorsque vous avez un coucher de soleil toutes les 90 minutes et une nouvelle semaine toutes les dix heures et demi… » Je leur ai parlé de ses efforts suprêmes pour accomplir les Mitsvot de son Créateur en orbite.
« Ilan Ramon nous a livré une puissante leçon : quelle que soit la vitesse où nous allons, quelle que soit l’importance de ce que nous faisons, nous devons marquer une pause et réfléchir à la raison de notre présence sur la Terre. »
Ceci, si vous le voulez, est l’héritage d’Ilan Ramon.
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