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ARNOLD SCHOENBERG


EXTRAIT
DISCOGRAPHIE
BIOGRAPHIE
MUSIQUE
CELEBRATION


"Face a une oeuvre d'art,on ne doit pas rever,mais s'attacher a en percer la signification"


Vienne, 13 septembre 1874 - Los Angeles, 13 juillet 1951

La vie d'Arnold Schoenberg fut loin d'être confortable, bouleversée en particulier par deux guerres mondiales. La première saisit Schoenberg à Vienne, sa ville natale, aux premières loges donc pour prendre mesure de l'effondrement européen, singulièrement de l'Empire austro-hongrois. Les prémisses de la seconde l'ont, dès 1933, contraint comme juif à l'exil, un exil qui, aux États-Unis, ne fut jamais une sinécure : Schoenberg n'épousait guère le conformisme du Nouveau Monde (" Je détruirai plutôt l'Amérique ! ", déclarait-il en y émigrant) et l'Amérique le lui rendit bien, lui refusant ces bourses, commandes et retraites qui lui auraient évité, à soixante-dix ans révolus, d'avoir encore à donner des leçons pour subvenir aux besoins de sa famille (quatre enfants, dont le dernier à soixante-six ans).

Arnold Schoenberg, c'est une dure vie de musicien autodidacte, vivant d'abord comme copiste et orchestrateur (en 1900 ce travail représentait déjà l'écriture de six mille pages), puis comme enseignant (des milliers d'élèves, dont Berg et Webern, les deux premiers) sans que jamais son œuvre musicale suffise à ses revenus. C'est un homme dont la célébrité mondiale lui apportait haine et quolibets plutôt que subsides et commodités. Il dut ainsi faire face à une hargne sans égale, qui le poursuivait jusque sur les estrades de concert où il dirigeait ses œuvres et qui l'obligeait parfois à s'interrompre, le temps que les huées se calment, avant de reprendre, comme si de rien n'était, le cours de l'exécution (c'était en 1913, à Prague, pour le Pierrot lunaire).

C'est un compositeur attaché à la musique comme pensée et à l'exercice d'une intellectualité musicale. C'est quelqu'un qui n'a cessé de fonder des institutions, d'écrire des articles, de projeter le développement de revues musicales, de collaborer à des publications littéraires (classant ses écrits en 1932, il remarquait que le total en représentait déjà 1 500 pages). C'est un penseur qui refusa, jusqu'à un âge avancé, la gloriole des titres universitaires ; à un jeune homme, admiratif, qui l'abordait du titre de " Professeur " il répondait : " Je ne suis pas professeur.
On est professeur et docteur aussi longtemps qu'on n'est rien. Gœthe était docteur, lui aussi, et s'appelait pourtant seulement Gœthe ". C'est un musicien se frottant à la peinture et dont l'abondance des talents débordait, le conduisant à inventer mille trouvailles dans chacun des domaines où il s'exerçait (jeu d'échecs, tennis, mais aussi arboriculture, sans compter une machine à écrire la musique…).

Arnold Schoenberg puisait dans l'adversité sa détermination musicale. S'il méprisait titres et médailles, c'est que pour lui seul comptait ce qu'il nommait beauté et vérité : il s'agissait, disait-il, d'" apprendre à voir la beauté dans cette lutte éternelle pour la vérité ".
Mais, plus encore que celui d'un homme, le nom " Schoenberg " est celui d'une " Œuvre " et d'une musique qui n'a cessé de se renouveler, par-delà de longues périodes de silence et de maturation (de 1914 à 1921-1922, de 1933 à 1935, de juillet 1936 à juillet 1938, l'année 1940…).

Son œuvre se déploie en quatre périodes : de ses chefs-d'œuvre de jeunesse (La Nuit transfigurée, 1899 ; Gurrelieder, 1900-1911) à ceux de la période atonale (2° quatuor à cordes, 1908 ; Trois pièces pour piano op. 11, 1909 ; Cinq pièces pour orchestre op. 16, 1909 ; Erwartung, 1909 ; Pierrot Lunaire, 1912) puis de la période dodécaphonique (Moïse et Aaron, 1932) pour culminer dans ceux de la période terminale (Trio à cordes, 1946 ; Un survivant de Varsovie, 1947).

Alors, Arnold Schoenberg, un passeur ? Tel fut en effet l'avis de la jeune génération d'après-guerre : " Schoenberg est mort " écrivait ainsi Boulez en 1952, déclarant par là son effacement inéluctable devant Anton Webern, son élève, qui aurait su fonder cette nouvelle configuration musicale que Schoenberg n'aurait qu'esquissée, faute de radicalité.

Depuis 1951, sa musique continue de partager, de heurter et d'interroger par-delà ses œuvres de jeunesse (les seules à être assimilées par le répertoire). À rebours, certains de ses disciples voudraient qu'enfin on puisse tout simplement " aimer Schoenberg " sans n'avoir plus à le défendre. Mais force est de reconnaître que son œuvre n'est toujours pas absorbée sans heurts ni " classicisée ", qu'elle continue de faire trébucher sur ses tensions internes, ses exigences, ses partis pris.
D'aucuns ont proposé d'éviter purement et simplement cette œuvre, de la contourner telle une branche morte d'une histoire musicale dont la sève véritable aurait circulé de Debussy, son aîné, à Varèse, son cadet, puis à Scelsi. Il est vrai que la descendance proclamée de Schoenberg, presqu'entièrement cantonnée aux universités américaines, a forgé de Schoenberg l'image institutionnelle d'un fondateur de système (le dodécaphonisme combinant le total chromatique des douze sons) : comment ne pas se dresser contre cette académisation mortifère quand on découvre l'intransigeance d'une musique qui ne relève que très marginalement d'une législation des hauteurs ?
S'il ne s'agit ni d'éviter Schoenberg, ni exactement de l'aimer (comme contemporain devenu classique), ni de le déclarer mort pour la pensée musicale, ni inversement de l'académiser (en un anodin " Vive Schoenberg ! " venant symétriser le Schoenberg est mort), le temps serait alors venu de vouloir Schoenberg, c'est-à-dire de lire et jouer son œuvre en dégageant les lignes de force susceptibles, aujourd'hui encore, d'activer la musique non pas selon la loi d'une nouvelle combinatoire des notes et des timbres mais selon l'exigence inventive d'un nouveau style musical de pensée.

François Nicolas

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