URIEL DA COSTA
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MARRANE
Uriel da Costa (Gabriel Acosta), né vers 1590 et mort en 1640, descendait d'une famille marrane d'Oporto dont les divers. membres, terrorisés par l'Inquisition, étaient devenus de fervents catholiques. A l'exemple de la plupart des jeunes gens de la bourgeoisie portugaise de cette époque, il avait étudié le droit; il était ainsi préparé à remplir, le cas échéant, des fonctions ecclésiastiques. A l'époque de sa jeunesse, les jésuites avaient déjà conquis une grande influence sur les consciences et réussi à asservir les âmes en présentant sous d’épouvantables images, les éternels supplices de l'enfer. Selon eux, on n'échappait à ces terribles tortures qu'en accomplissant toutes les pratiques religieuses et en se confessant avec une ponctuelle régularité. Tout en suivant fidèlement toutes les prescriptions, Gabriel da Costa ne se sentait pourtant pas tranquille. Malgré lui, des doutes s'élevèrent dans son esprit sur les dogmes du christianisme. Dans l'espoir de retrouver le calme, il se mit alors à étudier l'Ancien Testament. Peu à peu il se pénétra de la conviction que la vérité se trouvait dans le judaïsme, dont tes dogmes ont été adoptés, du reste, par l'Église. Da Costa résolut alors d'abandonner le catholicisme et de revenir à la foi de ses aïeux. Ayant réussi, avec sa famille, à échapper à la surveillance de l'Inquisition, il s'embarqua pour Amsterdam, où lui et ses frères embrassèrent le judaïsme. Il prit le nom d'Uriel.
D'une imagination ardente et d'un caractère enthousiaste, Da Costa avait conçu un judaïsme particulier qu'il espérait voir pratiquer à Amsterdam. Sa déception fut grande quand il s'aperçut que la réalité ne répondait pas à son idéal et que les usages religieux suivis par les Juifs hollandais ne concordaient même pas avec la législation mosaïque. Comme il avait fait de sérieux sacrifices à ses convictions, il se crut en droit d'exprimer publiquement ses déceptions et de signaler l'abîme qui séparait le judaïsme rabbinique de la religion de Moïse. De là des attaques très vives contre les ordonnances des rabbins ou, comme il les appelait, des Pharisiens. Après avoir tant souffert pour leur foi, les Juifs d'Amsterdam furent irrités qu'un des leurs l'attaquât et s'en moquât. Da Costa fut donc menacé d'excommunication s'il continuait de transgresser les lois cérémonielles, mais il n'en persista pas moins dans ses opinions. Le college rabbinique l'exclut alors de la communauté, et ses plus proches parents s'éloignèrent de lui. Isolé de ses coreligionnaires, de ses amis et de sa famille, ne pouvant pas se mettre en relations avec ses concitoyens chrétiens, dont il ne savait pas encore la langue, Da Costa s'aigrit de plus en plus et publia un ouvrage violent intitulé : Examen des traditions pharisiennes, où il proclama sa rupture définitive avec le judaïsme.
A la suite de cette publication, les représentants officiels de la communauté d'Amsterdam accusèrent Da Costa auprès des magistrats de nier l'immortalité de l'ame et de repousser ainsi, non seulement les doctrines juives, mais aussi les enseignements du christianisme. Il fut alors emprisonné pendant quelques jours et condamné finalement à une amende. Supportant mal son isolement, il céda aux instances d'un de ses parents, et, au bout de quinze ans, il se réconcilia avec la Synagogue.
Cette réconciliation ne fut pas de longue durée, car Da Costa était de caractère trop emporté pour imposer longtemps silence à ses convictions. De nouveau il déclara la guerre au judaïsme traditionnel, et de nouveau il fut appelé à comparaître devant le collège rabbinique. Ses juges décidèrent qu'il n'échapperait à une deuxième excommunication, bien plus pénible que la première, qu'en se soumettant à une pénitence solennelle. Par amour-propre il refusa de céder, et il fut mis une seconde fois en interdit.
Las de ces luttes incessantes, attristé de vivre séparé de tous les siens, il se décida à la fin à accepter la sentence des rabbins. On le mena dans une synagogue remplie d'hommes et de femmes, où il dut proclamer publiquement son repentir. Debout sur une estrade, il lut une confession détaillée de tous ses péchés, s'accusant d'avoir transgressé le repos sabbatique et les lois alimentaires, nié plusieurs articles de foi et dissuadé quelques personnes de se convertir au judaïsme. Après avoir promis solennellement de ne plus retomber dans ses erreurs, il jura de vivre désormais en bon israélite. Puis il se retira dans un coin de la synagogue, se dénuda jusqu'à la ceinture et reçut trente-neuf coups de lanière. Il s'assit alors par terre, et la sentence d'excommunication fut levée. Enfin, il dut s'étendre sur le seuil du temple, et tous les assistants enjambèrent son corps. C'était là un excès de sévérité, que les Marranes avaient emprunté à l'Inquisition.
La colère qu'il ressentit de ces traitements humiliants lui inspira la pensée de se tuer, mais, en même temps, il voulait se venger de celui qu'il considérait comme le principal instigateur de ces persécutions, son frère ou son cousin. Pour émouvoir ses contemporains et la postérité sur son sort, il mit par écrit le récit de ses souffrances, y ajoutant de vives attaques et même d'odieuses accusations contre les Juifs. Après avoir achevé son testament, il prépara deux pistolets, en déchargea un sur son parent, qu'il manqua, et se tua avec l'autre (avril 1640). Quand on pénétra dans sa demeure, on découvrit l'autobiographie qu'il avait écrite sous le titre de Spécimen d'une vie humaine, et qui était une violente diatribe contre les Juifs et leur religion.graetz
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