Plan general : famous jews

SALOMON IBN VERGA


HISTOIRE
ESPAGNE
SEFARDICA
BIO
Judah

Massacre de Lisbonne



Shebet Yehudah




Solomon Ibn Verga , 15e-16e siecle Historien et Medecin
Il reçut une formation rabbinique et philosophique, apprit la littérature espagnole et latine de son temps et fut chargé, en 1487, après la prise de Málaga par les Rois Catholiques, de réunir les fonds nécessaires pour acquitter la rançon des Juifs capturés.


La cinquante-deuxième conversion

J'ai appris de divers Anciens qui ont quitté l'Espagne qu'un certain bateau avait été frappé par une épidémie. Le capitaine s'est débarrassé de ses passagers en les débarquant sur une terre déserte, à un endroit totalement inhabité, et la plupart y sont morts de faim. Quelques-uns ont réussi à trouver les forces nécessaires pour marcher jusqu'à ce qu'ils aient trouvé un endroit habité.

Un Juif, accompagné de sa femme et de deux fils, avait décidé de marcher, mais comme sa femme n'était pas habituée à l'effort, elle s'évanouit et mourut. L'homme a alors porté ses deux fils, jusqu'à ce que lui et ses deux fils défaillissent aussi d'inanition. Quand il a repris connaissance, il a vu que ses deux fils étaient morts. Dans son désespoir, il s'est dressé sur ses pieds et a dit : " Maître de l'Univers ! Tu as fait beaucoup pour me faire abandonner ma religion. Je veux que tu saches clairement que, malgré les efforts déployés par le Ciel, je suis juif et resterai juif,et quoi que tu aies fait ou fasses encore contre moi ne servira à rien ! " Il a alors pris de la terre et a enterré ses fils, puis il a continué de chercher un endroit habité.

Les Juifs n'ont pas attendu leurs propres morts, et chacun est resté occupé de sa propre détresse, sans prêter attention à celle de son voisin

Le sceptre de Juda (Chévèt Yehouda 1520 ; publié par son fils en 1554)
Texte de Salomon Ibn Verga
lamed


Yosef Hayim Yerushalmi

Professeur d’histoire et titulaire de la chaire Salo Wittmayer Baron
Directeur du Centre d’études juives à Columbia University.

« Serviteurs des rois et non serviteurs des serviteurs. » Sur quelques aspects de l’histoire politique des Juifs


Nulle part dans la littérature hébraïque médiévale ailleurs que dans le Shevet Yehudah (Le sceptre de Juda), se trouve exposée de manière aussi précise l’Alliance royale. L’auteur en est Salomon Ibn Verga, lui-même Juif expulsé d’Espagne. Dans un texte qui mêle la chronique historique aux dialogues fictifs, Ibn Verga cherche à comprendre toutes les catastrophes de l’histoire juive, dont l’expulsion d’Espagne, en dépassant les catégories explicatives traditionnelles du châtiment divin ; il invoque, pour la première fois, hasibbah ha-tiv’it, « la cause naturelle ». Par là, le Shevet Yehudah est la première, et précoce, tentative d’une analyse socio-politique de la condition juive en exil .
Pour Ibn Verga, les rois et les officiers royaux en général sont toujours les protecteurs ardents de Juifs contre la populace. S’il advient que les Juifs ne soient pas sauvés, ce n’est pas du fait d’une défaillance de la volonté du monarque, mais à cause de l’obstination et de la puissance du bas peuple.
À dire le vrai, ce fut effectivement souvent le cas dans l’Europe médiévale et, pour quelques-uns des exemples cités par Ibn Verga, nous disposons de sources allant dans ce sens ; mais d’autres sont purement inventés par l’auteur afin de conforter sa démonstration.Que les Juifs appartiennent au roi et qu’il s’en suive qu’ils soient liés par un intérêt commun, c’est là un thème majeur autant que récurrent. Ainsi, lorsque Gonzalo Martínez de Oviedo conseille à Alfonso XI d’expulser les Juifs, l’archevêque de Tolède s’oppose à ce plan avec véhémence :« Alors l’archevêque dit à Gonzalo : “Ont-ils fait de vous un conseiller du roi ? Vous avez conseillé la honte sur votre maison ! Car en vérité les Juifs sont un trésor pour le roi,un bon trésor, mais vous voulez le ruiner et vous exhortez le roi à faire ce que son père ne fit pas. Vous êtes un ennemi non des Juifs, mais du roi !” » .
Assurément, il arrive que même Ibn Verga ne puisse complètement ignorer que parfois les rois persécutent les Juifs de leur propre initiative. Mais, alors, il ne s’agit que d’exceptions qui demeurent rares. Convaincu que les rois sont fondamentalement soumis au règne de la loi et à la préservation de leurs Juifs,Ibn Verga leur accorde toujours le bénéfice du doute. Que parfois des rois viennent à violer ce schéma et Ibn Verga s’emploie à trouver quelque facteur explicatif et atténuant pour justifier de tels manquements. « Car en général les rois d’Espagne et de France, les nobles, les hommes de savoir et tous les hommes distingués du pays avaient pour habitude
d’aimer les Juifs, et la haine ne prévalait que parmi les masses, qui jalousaient les Juifs. » À l’occasion, Ibn Verga n’hésite pas à critiquer les Juifs d’Espagne pour avoir eux-mêmes aggravé la haine populaire par leur comportement arrogant, mais la haine demeure hors de proportion au regard de cela. Un passage crucial raconte
comment les Juifs sont menacés, sans autres précisions, d’expulsion s’ils ne se convertissent pas : « Les documents furent rédigés et scellés sur ordre du roi. Quand les Juifs l’apprirent, ils se rendirent chez un des ministres du roi, car celui-ci les aimait grandement,comme ils étaient aimés en Espagne par les rois, les nobles et tous les savants et les sages, et très honorés par eux tous.
Les expulsions furent décidées seulement parce que quelques-uns issus des basses classes prétendirent qu’à cause des Juifs et depuis leur arrivée dans le royaume la nourriture avait renchéri et que les Juifs s’étaient ingérés dans leurs commerces. Les expulsions furent aussi provoquées par les prêtres, car dans une démonstration de piété, et afin de montrer au peuple qu’ils cherchaient à honorer et exalter la religion de Jésus de Nazareth, ils avaient pour habitude quotidienne de prêcher des prônes fielleux contre les Juifs. Mais les Juifs étaient honorés par les autres classes chrétiennes comme s’ils vivaient dans leur propre pays, et ils étaient très aimés d’eux, comme le savent les sages d’Espagne. » .
La pointe poussée par de tels passages est évidente. Tout au long du Shevet Yehudah, Ibn Verga montre qu’il a conscience que partout les Juifs durent faire face à une constellation de forces diverses. D’un côté, les monarques et l’aristocratie, la papauté et le haut clergé ; de l’autre, les masses et le bas clergé.
Si les premiers se montrèrent en général bien disposés à l’égard des Juifs, les autres se montrèrent habituellement hostiles.
Monarques et masses, concernant les Juifs, ont un rapport tendu. Bien que toujours prêts à prendre la défense des Juifs, les monarques en sont souvent empêchés par leurs propres sujets.De cette interprétation, Ibn Verga ne démord pas. Il n’est nulle
part question, sous sa plume, du changement fondamental d’attitude de la Couronne qui conduisit à l’expulsion de 1492. Ce changement,au contraire, serait advenu du fait de l’accroissement du fanatisme religieux et de l’hostilité populaire, qui, ayant atteint un pic, devinrent irrésistibles. Nul mot ni allusion au fait que l’Alliance royale avait en soi atteint une impasse, que la Couronne d’Espagne,pour diverses raisons, ne ressentait plus le besoin d’avoir ses Juifs et gagnerait à leur bannissement .
L’Alliance royale, dans le Shevet Yehudah, revêt parfois des dimensions presque mythiques, mais Ibn Verga n’est pas alors le seul à s’accrocher à ses traits essentiels. Assurément, les Juifs connaissaient des monarques bons et des méchants et, dans leurs propres rangs, des dirigeants bons et des corrompus. Mais jamais ils ne perdirent confiance dans la monarchie elle-même, ni dans le besoin absolu d’une direction juive organisée. Aussi est-il significatif qu’au lendemain de l’expulsion de 1492, dans les communautés réfugiées de l’Empire ottoman,les dirigeants séfarades d’avant l’expulsion ne furent pas répudiés et que les sultans turcs furent désormais exaltés comme des sauveurs .
De leur expérience médiévale, que retiennent les Juifs et qu’intègrent-ils dans leur mentalité ? Que dans un univers relatif, les alliances verticales leur sont généralement les plus favorables; que le prédicat de ces alliances était l’utilité des Juifs pour les gouvernants ;que s’il advenait que le souverain cesse de regarder les Juifs comme utiles, diplomatie, groupe de pression, voire franche corruption, pouvaient parfois prévenir un dur décret ; que si tout cela venait à échouer ou s’effondrer, les pires extrêmes auxquels l’État médiéval pouvait se porter était la conversion forcée – historiquement exceptionnelle – ou l’expulsion. La chose était suffisamment terrible. Mais il n’était pas question ici de massacre. Aucun roi du Moyen Âge ne le décréta jamais, ni un pape ne l’autorisa. Lorsque massacre il y eut, il n’advint pas d’en haut. Nul n’en porte mieux témoignage qu’Isaac Arama, dans son commentaire du troisième chapitre du livre d’Esther, lorsque Haman, l’ennemi des Juifs persuade le roi Artaxerxès de décréter que l’on ferait périr les Juifs et que des lettres seraient envoyées ordonnant de « détruire, exterminer et anéantir tous les Juifs – jeunes et vieux, enfants et femmes » . Arama écrit à ce propos et en dépit de la clarté du texte biblique : « Ses formulations selon lesquelles [il sera décrété que tous les Juifs seront détruits] ne signifient pas détruire, exterminer et anéantir, car cela, la nature humaine ne saurait le tolérer. Cela signifie qu’ils seront expulsés ou réduits en esclavage » .
Qu’un monarque puisse délibérément décider de l’annihilation physique des Juifs demeurait inconcevable.
...
Malgré toutes ses terreurs, le Moyen Âge, du moins dans les plus hautes sphères du pouvoir, connaissait encore les limites à ne pas franchir. Nous avons appris qu’il n’y a plus de contraintes. Les cendres des camps de la mort ont porté un grotesque Arbre de la Connaissance, dont nous avons tous goûté le fruit amer,et nous savons ce que nos ancêtres ne savaient pas – qu’une fois que cela a été possible, tout est possible.
cairn

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