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ELIE BENAMOZEGH

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Aimé Pallière


Les rapports entre la Cabale et la philosophie ont toujours été délicats. Elie Benamozegh (1823-1900), cabaliste et philosophe italien, a envisagé la cabale comme la véritable tradition spéculative et rationnelle du judaïsme, en éliminant les barrières entre les deux optiques. Il a mis en relation cette tradition avec la pensée européenne, notamment avec l’idéalisme de Hegel. Elie Benamozegh par ses conclusions se trouve au coeur du débat sur le Noachisme.


Elie Benamozegh, est un rabbin cabaliste de la fin du dix-neuvième siècle. Son objectif, c’est de démentir la vision non-juive d’un judaïsme essentiellement particulariste et ethno-centré, qui se trouve avoir cours en Europe à son époque. Il entend démontrer le caractère nettement universaliste de cette religion : caractère assez largement ignoré par ses contemporains (l’est-il moins des nôtres ?), du fait de la rupture, créée jadis par l’Eglise naissante, dans l’association typiquement juive des deux idées particulariste et universaliste (c’est suite à cette rupture que le christianisme se spécialisa pour ainsi dire sur le « marché de l’universel » et s’en arrogea le monopole en Occident). Il est illogique (bien que l’idée ait la vie dure), remarque notamment Benamozegh, d’imaginer qu’une religion à vocation aussi universelle que le christianisme ait pu naître d’un judaïsme exclusivement étroit et borné comme on le dépeint fréquemment. L’universalisme et le particularisme ont toujours coexisté dans la tradition hébraïque : l’un comme but et l’autre comme moyen. Pour Benamozegh, il ne s’agit pas de se demander si le judaïsme est une religion universelle, mais s’il a une religion universelle ! Passage ô combien génial et original de l’être à l’avoir, dont au demeurant la psychanalyse nous explique dans un champ connexe qu’il est une étape essentielle de l’Œdipe…

Qu’est-ce à dire ? Le judaïsme « [contiendrait] dans son sein, de même que la fleur cache le fruit, la religion réservée au genre humain tout entier, et dont la législation mosaïque, en apparence si incompatible avec cette haute destinée, [ne serait] que l’écorce ou l’enveloppe extérieure ». Cette religion contenue (ou noachisme dans la terminologie rabbinique), remonterait aux origines de l’Humanité, et tirerait son universalité de l’unité primitive du genre humain : « à l’unité primitive du genre humain répond l’unité primitive de la doctrine ». On en retrouverait la trace, sous une forme plus ou moins bien conservée, dans toutes les traditions : « aux fractionnements successifs, à la différenciation des races correspondent les diverses tendances religieuses ». Benamozegh explique ainsi les similarités et les « ressemblances frappantes » entre les différentes religions d’Orient et d’Occident, en particulier entre les mystères qui étaient enseignés aux élites de ces religions respectives. Il s’attache surtout à démontrer avec passion en quoi cette religion universelle ne se retrouve nulle part plus fidèle à sa version originelle que sous la forme du noachisme, contenue dans la tradition hébraïque, à laquelle on découvre au passage une richesse insoupçonnée et une tolérance surprenante, et qui se révèle la seule à concilier aussi nettement des idées qui divisent et opposent habituellement les différentes civilisations. D’une idée à celle qu’on considère en général comme sa pure concurrente et rivale (le monothéisme et le paganisme pour ne prendre que cet exemple), tout un continuum nous est dépeint qui rend à chaque fois intelligible une sorte de vérité originelle, sur laquelle il est proposé à tous de reformer ses croyances.

A travers le système Benamozegh, il est possible de se figurer ce qui émeut tant les juifs comme les non-juifs quant à ce qui touche à la relation entre Israël et l’Humanité (et d’en découdre au passage avec quelques idées reçues). Oui, il y a du particularisme dans le judaïsme ; mais pour les Juifs, ce particularisme est un humanisme, une intériorité paradoxale et nécessaire qui se révèle ouverture sur le monde. Quand on s’attaque à ce particularisme d’Israël (le peuple ou l’Etat), il faut comprendre que ce que les Juifs pressentent toujours comme menacé au-delà d’eux-mêmes, c’est un certain universel, qu’ils ont la vocation – consciente ou refoulée – de conserver jusqu’à ce que l’Humanité le re-connaisse. Non, les Juifs ne valent pas a priori mieux que les autres ; mais il n’y avait que ceux qui s’en gargarisent pour y croire : la prétention juive, bien modeste, n’est pas d’être une religion qui incarne la vérité, mais qui y donne accès. On serait du reste bien avisé à s’inspirer davantage de cette posture… « C’est [nous dit Benamozegh] pour la conservation et l’établissement de [la religion universelle] que le judaïsme a vécu, qu’il a lutté et souffert. (…) Si l’on examine de près la législation mosaïque, qui semble élever entre Israël et le genre humain une infranchissable barrière, on découvre bientôt la raison de ces lois particulières d’autant plus sévères et étroites que le but à atteindre était plus sublime et plus éloigné aussi ». En ce sens : oui, il y a « deux poids deux mesures » ; mais quand le doigt montre le ciel, il s’agit de ne pas être l’ignorant qui s’excite sur le doigt. La part belle, ce n’est pas celle qui est dévolue spécifiquement à Israël, c’est la vérité universelle destinée (et librement proposée) à tous.mikiane

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