J. POLLARD
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Il nous paraît important de revenir sur le cas de ce scientifique juif américain condamné en 1987, à la détention à vie, pour avoir transmis des documents secrets à un pays étranger, en l'occurrence Israël. Rappelons-en les éléments essentiels.
L'intéressé n'a jamais nié avoir effectivement transmis à Israël des renseignements couverts par le secret.
En revanche, il n'est pas établi avec certitude s'il a uniquement agi par idéologie ou contre rémunération. En tout état de cause, il faut savoir qu'en 1983, le président Reagan avait pris l'engagement de communiquer à Israël tous les renseignements vitaux concernant la défense de cet État, qui parviendraient à la connaissance des États-Unis. Or, les autorités militaires américaines omettaient volontairement de transmettre un certain nombre de renseignements relatifs aux équipements chimiques, biologiques et nucléaires, dont cherchaient à se doter l'Irak et la Syrie.
C'est la raison pour laquelle, Pollard, âgé à l'époque d'une trentaine d'années et qui en tant qu'analyste travaillait depuis six ans pour le compte de la marine américaine, entreprit, pendant plusieurs mois, de transmettre directement certaines informations au gouvernement israélien. Il fut arrêté en novembre 1985 après avoir vainement cherché à se réfugier dans les locaux de l'ambassade israélienne à Washington, avec laquelle il était en rapports suivis.
Son procès fut entaché d'une méconnaissance des règles élémentaires de justice. En effet, il fut condamné à la peine maximum en violation des principes de la procédure pénale américaine qui reconnaît le droit à une peine réduite, lorsque l'inculpé plaide coupable, ce que fit Pollard.
Il est vrai que le juge, unique - pour ne pas dire inique - en l'occurrence, se laissa intimider par la communication, quelques instants avant la lecture du verdict, d'une lettre émanant de Caspar Weinberger, alors Secrétaire à la défense, demandant la peine maximum sur la base de l'accusation de trahison, qui n'avait cependant jamais été invoquée précédemment. Et elle ne pouvait d'ailleurs pas l'être s'agissant d'Israël, État bénéficiaire des indiscrétions.
La trahison est, en effet, définie aux États-Unis, comme un acte compromettant la défense territoriale du pays au profit de l'ennemi en tant de guerre. Or, en l'espèce il ne s'agissait que de la transmission de documents secrets à un pays allié, acte d'espionnage relativement mineur.
De plus, la peine infligée était particulièrement disproportionnée par rapport aux peines prononcées, dans ces cas analogues, s'agissant d'espionnage au profit de la Grande-Bretagne, de l'Afrique du Sud, des Philippines, du Ghana ou même de l'Égypte (peines allant de 2 à 10 ans d'emprisonnement seulement).
Même tous les actes d'espionnage au profit des pays de l'Est, ne furent pas aussi durement sanctionnés.
Sans doute, mal conseillé et par souci de ne pas aggraver les conditions de détention de la femme qui était alors son épouse, elle-même condamnée à une peine de quelques années de prison, Jonathan Pollard omit de faire appel immédiatement de ce jugement. Ce n'est que trois ans plus tard qu'il entreprit une procédure qui devait toutefois échouer tant en première instance qu'en appel, sur la base de considérations techniques de procédure. En octobre 1992, la Cour suprême devait mettre un terme à cette tentative de remettre en question la sévérité de la condamnation.
Durant les premières années, Pollard fut soumis à des conditions de détention qui méconnaissaient, notamment, le principe d'un traitement respectant la dignité de la personne humaine, que consacrait pourtant le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par les États-Unis.
Emprisonné, à une époque, dans le quartier réservé aux criminels déments, dans une prison-hôpital, Pollard fut, par la suite, pratiquement maintenu en isolement cellulaire dans des conditions particulièrement rigoureuses (chaleur, humidité, changements fréquents de cellule, limitation des contacts avec l'extérieur, brimades l'empêchant de prier ou de respecter les règles de la cacherout).
Par la suite, ses conditions de détention furent parfois assouplies, sans doute sous la pression d'un large mouvement d'opinion publique qui s'était mobilisé en sa faveur. En effet, tant dans les milieux juifs que non juifs, aux États-Unis et dans différents pays d'Europe, dont la France s'étaient constitués des comités "Justice pour Jonathan Pollard". Même le Parlement européen adopta en 1993 une résolution en sa faveur.
Mais, plusieurs demandes de réexamen de son cas, en vue d'une réduction de peine ou d'une mise en liberté conditionnelle, ont échoué, alors même qu'avant son élection Bill Clinton s'était prononcé en sa faveur. Il est vrai que les États-Unis ne sont pas le seul pays - même démocratique - où les candidats oublient leurs promesses, au lendemain de leur élection.
Dans certains milieux juifs, même en France, on ne cachait pas une certaine gêne pour prendre position en faveur de Pollard, en raison de la crainte de voir resurgir l'accusation de "double allégeance". Même les gouvernements israéliens n'ont pas "assumé", à l'origine, leurs responsabilités. Officiellement - car discrètement des interventions furent faites auprès du gouvernement américain - le gouvernement Rabin nia formellement tout contact avec Pollard.
En 1995, sa demande présentée par sa nouvelle femme, épousée en prison, en vue d'obtenir la nationalité israélienne fut rejetée. C'est le gouvernement Netanyahu qui la lui accorda, en 1996 et qui reconnut, officiellement, en mai 1998 que Jonathan Pollard avait agi en tant qu' "agent israélien".
Des démarches jusqu'alors discrètes furent entreprises auprès du gouvernement américain, mais toujours sans résultat. Un incident de dernière minute faillit même faire échouer la négociation israélo- palestinienne à Wye Plantation, à l’automne 1998.
Par la suite, les premiers ministres israéliens successifs ont été officiellement discrets sur cette affaire, tant ils avaient besoin du soutien des Etats-Unis. Or, l’Administration américaine qu’il s’agisse de la CIA, du Département d’Etat, de la Justice et du Ministère de la défense, a empêché les présidents américains successifs, tant républicains (Reagan, Bush père et Bush junior) que démocrate (Clinton) de faire droit à une demande d’élargissement.
On n’a jamais su officiellement les raisons de cette obstination, d’autant que les autorités américaines. n'ont jamais voulu révéler tout ce qu’elles savaient sur ses activités. De fait, elles reprocheraient à Pollard d'avoir eu accès à des secrets ultra-sensibles dans trois secteurs: les possibilités de pénétrer des codes de pays étrangers, les données fournies par les satellites et les mouvements de sous-marins stratégiques. Elles craindraient donc que certains États apprennent que leurs communications pouvaient être interceptées et ne connaissent ainsi les domaines où ils étaient espionnés par les États-Unis.
Mais, compte tenu de la durée de l'emprisonnement (plus de 18 ans) de Jonathan Pollard, qui a rendu quelque peu obsolètes les connaissances qu'il a pu recueillir, durant son passage dans les services de la marine, il s'avère que, comme les autorités soviétiques au temps du goulag qui empêchaient des savants juifs de quitter l'Union soviétique, les autorités américaines reprochent, en fait, à Jonathan Pollard son intelligence. Ce qui n'est guère à l'honneur de cette super-puissance, qui devrait également être un modèle de pays épris de justice.
Et on ne peut que rendre hommage à ces jeunes israéliens, qui ont estimé qu'il est impossible que nous partions en vacances d'été alors que Jonathan est emprisonné'' pour avoir rappelé le triste sort de Jonathan Pollard, qui semble tombé dans l’oubli.
David Ruzié, Professeur émérite de droit international.
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