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BEN CHEMOUL


CATCH
ART














"Pour un amateur de catch, rien n’est plus beau que la fureur vengeresse d’un combattant trahi qui se jette avec passion... sur l’image cinglante de la déloyauté." Roland Barthes - Mythologies




Ca se passait du temps de l'ORTF, en fin de soirée, avec Claude Darget ou Roger Couderc (parfois Léon Zitrone) dont les commentaires flamboyants savaient donner au catch une dimension théâtrale. Une époque où la télé diffusait les combats du Bourreau de Béthune contre l’Ange Blanc, où les commentaires de Roger Lanzac accompagnaient " La Piste aux étoiles », où les vedettes du sport s’appelaient Larbi ben Barek, la "perle noire", et Alain Mimoun. Sur le ring de la salle Wagram ou de l'Elysee Montmartre L'Ange Blanc corrigeait les méchants : le Bourreau de Béthune, Bobby Duranton, Roger Delaporte. Les autres figures marquantes de la discipline seront Lino Ventura (au début des année 50, dès 1953 il commencera une carrière d'acteur), Ben Chemoul et Chéri-Bibi...

Ces shows de catch faisaient salle combles. L'ancien bras droit de Roger Delaporte (catcheur et manager de l'Elysée Montmartre), Alain Charpentier, se souvient : " Il fut une époque où l'on remplissait les salles chaque semaine. Il y avait les habitués et les autres. Certains arrivaient directement en bleu de travail après leur journée. Nous avons démarré l'Elysée Montmartre en programmant des galas de catch le vendredi soir, le samedi soir et le dimanche. En même temps que ces trois réunions, il y avait la salle Wagram le jeudi, la Mutualité, le Cirque d'hiver... Paris avait assez d'amateurs de catch pour que l'on puisse programmer sept réunions par semaine. C'était toujours salle pleine. C'était dans les années cinquante... soixante-dix..."

Spectacles alors prisés par les Français, les combats de catch, décrivent une lutte épique entre deux personnages stéréotypés : un héros face à un catcheur fourbe et déloyal, souvent masqué, qui profite de la distraction de l'arbitre pour frapper son ennemi à terre... Au catch, dit Roalnd Barthes «un homme à terre y est exagérément, emplissant jusqu’au bout la vue des spectateurs, du spectacle intolérable de son impuissance». Il faut tenir, endurer son mal, l'exposer. L'arbitre, loin d’incarner l’ordre sur le ring, est tout autant acteur du spectacle, et susceptible d’être lui-même partie prenante des ruses des combattants. Le combat se poursuit parfois hors du ring.

Il est entendu que les matchs sont arrangés, certes, mais le public se moque complètement de savoir si le combat est truqué ou non."il n’y a pas plus un problème de vérité au catch qu’au théâtre".Le catch est une justice, comme l’explique Barthes, car le combat oppose toujours un "salaud parfait" à un héros. Mais, demande Barthes, qu’est-ce qu’un salaud pour ce public? Ce n’est pas tant le lutteur cruel ou enclin à la traîtrise que celui qui est inconséquent, en ce qu’il va réclamer la protection des lois lorsqu’elle lui est utile, et frapper l’instant d’après "un adversaire légalement protégé par les cordes.... La vertu du catch, c’est d’être un spectacle excessif... Plus l’action du « salaud » est basse, plus le coup qui lui est justement rendu met le public en joie … Les catcheurs savent très bien flatter le pouvoir d’indignation du public... Pour un amateur de catch, rien n’est plus beau que la fureur vengeresse d’un combattant trahi qui se jette avec passion... sur l’image cinglante de la déloyauté."

"Quand j'étais gamin, le Petit Prince c'était un catcheur. Une manière de double vie. Un CDD alimentaire en collant blanc de danseur étoile avec éponge dans le slip. Dame ! même les héros transpirent. Une fois par semaine à la télévision de Roger Couderc, le Petit Prince affrontait les méchants en noir et blanc. C'était du temps où l'axe du mal allait de Bollet à Delaporte en passant par le Bourreau de Béthune. Une époque où le coup de pied chassé, l'arm-lock et le double Nelson faisaient office de figures de rhétorique et d'armes de destruction massive. Les aventures du Petit Prince suivaient un schéma narratif immuable en deux manches et une belle : après qu'on eut tremblé pour lui, le Gentil faisait toucher les épaules du Méchant. L'arbitre comptait. Un !... Deux!.. .Trois .Out! Et on apprenait définitivement que te catch, c'est comme le théâtre, sauf qu'on frappe les trois coups à la fin." Daniel Picouly

Et puis, allez savoir pourquoi, ce grand art est devenu parent pauvre. Trop théâtral comme sport ? Trop sportif comme spectacle ? Vers la fin des années 80, les unes après les autres, les salles parisiennes ont cessé de programmer le catch. Salle Wagram, Cirque d'hiver, Elysée Montmartre, Mutualité, le Stadium... Roger Delaporte, l'entraîneur et patron célèbrissime de l'Elysée Montmartre, se souvient : " J'ai dû mettre la clef sous la porte en octobre 1988... Faute de combattants... "

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