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MOISE ARRAGEL


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La Biblia de Alba est un manuscrit enluminé du XVe siècle contenant une traduction en vieux castillan (romance) de l'Ancien Testament à partir des versions hébraïque et latine. Bien que très difficile d'accès et jusque là resté indéchiffré, ce manuscrit conservé à Madrid au Palacio de Liria par les Ducs d'Albe a pu être étudié par Sonia Fellous, historienne de l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT/CNRS). Ce travail souligne l'importance historique, deux générations avant l'Expulsion des Juifs d'Espagne en 1492, de cette collaboration entre Juifs et Chrétiens. En remerciement de ce travail et à l'initiative de l'Institut de recherche et d'histoire des textes du CNRS, Mauricio Hatchwell Toledano, président de la Fédération séphardite d'Espagne et mécène, qui a financé l'édition du fac-similé de la Biblia de Alba, en remettra un exemplaire à la Bibliothèque nationale de France, le 7 février 1996, en présence de Jean Favier, son Président, d'André Kaspi, directeur du département des Sciences de l'homme et de la société du CNRS et de Louis Holtz, directeur de l'IRHT. Il avait offert le premier fac-similé de la Biblia de Alba au roi d'Espagne en mars 1992 lors de la commémoration du cinquième centenaire de l'Expulsion des Juifs d'Espagne.
Datée de 1422 à 1433, la Biblia de Alba, manuscrit de doctrine comparée qui appartient aujourd'hui aux Ducs d'Albe, fut commanditée par l'un des ancêtres de la famille d'Albe, Don Luys de Guzman, Grand Maître de l'Ordre de Calatrava. La traduction de la Bible en castillan était la motivation principale de la commande, tant du point de vue religieux que politique. Il s'agissait d'établir un texte officiel de l'Ancien Testament en romance qui devienne un terrain, si ce n'est d'entente, du moins de discussion sereine entre Chrétiens et Juifs, et qui puisse conduire les Juifs de Castille sur les voies du Christianisme. La commande de cette Bible se plaçait dans une perspective humaniste mais reflétait aussi le courant politique du moment qui tendait à la centralisation du pouvoir dans la péninsule ibérique par la reprise de la Reconquête territoriale, par l'unification de la langue vernaculaire et, dans un troisième temps, l'adoption d'une foi unique. Le rabbin Moïse Arragel de Guadalajara, chef de la communauté de Maqueda (près de Tolède), fut chargé de son exécution. Bien qu'un franciscain et un dominicain aient été désignés comme superviseurs, ce grand érudit garda néanmoins une grande liberté de travail, et consacra dix années de sa vie à la Biblia de Alba.

La Biblia de Alba est accompagnée de commentaires où abondent les références aux sources juives suivies des commentaires des Pères de l'Église chaque fois que les dogmes s'opposent. Le texte biblique est précédé d'un Prologue. Le passage à une langue moderne, " universelle ", a permis à Moïse Arragel d'écrire un texte qui ne soit pas trop connoté et d'établir un glossaire destiné à contrer les critiques des cercles religieux. Ce texte déviant ne ressemble donc à aucune autre traduction de la Bible en castillan. L'érudition déployée par Moïse Arragel, qui embrasse toutes les sciences de son temps, en fait une somme de commentaires juifs et chrétiens. La structure et la finesse de l'argumentation, présentée comme un texte de doctrines comparées, laisse Juifs et Chrétiens libres de se faire un jugement conforme à leur foi. Néanmoins sur les points de divergence fondamentaux, Moïse Arragel rappelle à quel point le fossé qui sépare les deux doctrines est profond.

Le travail conjoint de scribes juifs, de peintres chrétiens, sous la direction d'un rabbin lui-même aux ordres d'un ecclésiastique a donné un résultat extraordinaire. La juxtaposition des commentaires juifs et chrétiens, la fusion des sources littéraires dans les images font de cette Bible une création unique en son genre, et l'un des précurseurs des œuvres humanistes de la Renaissance. Le manuscrit, qui pèse 28 kilos et mesure 405 x 291 mm, contient trois cent vingt cinq miniatures dont certaines témoignent d'un syncrétisme religieux rare, sinon unique, dans la production iconographique médiévale. Ce qui révèle une collaboration étroite entre Juifs et Chrétiens dans la création artistique et montre la propagation des sources juives dans la littérature religieuse chrétienne.

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