Plan general : famous jews

N.SACHS

N. SACHS
TEXTES
PRIX NOBEL 1966
P.CELAN

TERRE A CIEL
MUSEE
POEZIBAO


Ô les cheminées
Sur les demeures de la mort si bien imaginées,
Quand le corps d'Israël monta dissous en fumée au travers de la fumée -
Comme une étoile qui devint noire


Léonie Sachs était née le 10 décembre 1891 à Berlin dans une famille juive de la bourgeoisie berlinoise assimilée, qui habitait une élégante demeure près du Tiergarten.
À cause de sa santé délicate, Nelly reçut à partir de 1900 les leçons de précepteurs à domicile. La petite fille rangée étudia la musique et la danse. La maison ne manquant pas de bibliothèques, le goût de la lecture fut inculqué très tôt à la fillette, qui fut ensuite à nouveau inscrite dans une école privée, fondée par Hélène Aubert, dont l’enseignement exerça sur elle une puissante influence.
Au mois de novembre 1921, Nelly Sachs eut la joie d’envoyer à Selma Lagerlöf son premier recueil inédit et dédicacé, Légendes et Récits. Ces textes, assez conventionnels, trahissent l’influence du mysticisme juif et chrétien, mais surtout de la poésie romantique de Hölderlin et de Novalis.
Extrêmement réservée et fragile, Nelly Sachs se montra incapable de se détacher de sa mère, qui la couvait. Sa mélancolie s’aggrava lorsqu’elle s’éprit d’un jeune homme qui allait être assassiné par les nazis. Cet amour inspira à Nelly Sachs de nombreux poèmes. Walter Berendsohn, un de ses amis, décrit ainsi « le fiancé défunt » : « Il n’était pas juif, et n’était pas issu d’une bonne famille. Il appartenait à un réseau de résistance contre le nazisme. Il fut torturé sous mes yeux, puis exécuté. » Nelly Sachs devait ne jamais se marier.
Les poèmes de Nelly Sachs furent publiés pour la première fois dans Die vossiche Zeitung, à Berlin en 1929. Un an plus tard, William Sachs, son père décédait. Inconsolable, elle lui dédia un cycle de poèmes, Mélodies silencieuses, qui demeure inédit. Nelly vécut désormais avec sa mère jusqu’à la mort de cette dernière, en 1950.
Quelques poèmes parurent dans le périodique berlinois Berliner Tagesblatt entre 1933 et 1936. Puis, jusqu’en 1939, son travail fut exclusivement publié dans des revues juives, à cause des lois antisémites de Nuremberg, promulguées en 1934. Deux cycles parurent : Mélodies de la Bible et Chants de l’adieu, ainsi que des pièces pour marionnettes et Chélion, une histoire d’enfance.
Après la Nuit de Cristal, les Juifs d’Allemagne furent déportés à Dachau, puis dans les camps d’Europe orientale. La famille de Nelly Sachs disparut dans la Shoah. Expulsée, cette dernière se vit obligée de louer un appartement de sa maison à Paul Hofmann, le futur commandant du camp d’extermination de Maidanek. Avant qu’elle ne parte dans un camp à son tour, son amie Gudrun Harlan décida de partir pour la Suède afin d’intercéder auprès de Selma Lagerlöf et du prince Eugène, frère du roi. Elle obtint que Nelly Sachs et sa mère fussent accueillies sur le sol suédois. Les deux femmes arrivèrent par avion à Stockholm le 16 mai 1940. La communauté juive mit à leur disposition une pièce et une cuisine dans la maison du Bergundsstrand 23. Les deux femmes allaient y vivre jusqu’à leur mort. Nelly qui prenait soin de sa mère le jour, écrivait la nuit.
Nelly Sachs sortit peu à peu de son isolement lorsqu’elle rencontra le poète suédois Johannes Edfel, qui l’aida à faire publier quelques poèmes dans une revue.
Pendant les années de guerre, Nelly Sachs connaît une intense période de création, au cours de laquelle elle élabore sa nouvelle langue poétique. À l’instar de son ami Paul Celan, elle va refonder la langue des assassins. Tous deux, en introduisant dans la langue allemande l’apport hébraïque, auront relevé le défi de Theodor Adorno qui avait affirmé que toute éloquence, toute poésie seraient impossibles, barbares, après Auschwitz. Primo Levi avait reformulé ainsi la phrase : « Après Auschwitz on ne peut plus écrire de poésie que sur Auschwitz. »
Au lendemain de la Shoah, Nelly Sachs accepte la publication de son œuvre en refusant toute réédition de ses écrits antérieurs à la guerre. Tout ce qu’elle écrit est marqué par le mysticisme juif, par la tragédie de l’anéantissement, ainsi qu’en témoignent les titres de ses poèmes – Dans les demeures de la mort, Route vers le néant de toute poussière, Même ce soleil est apatride, Les Cheminées de pierre – et un texte autobiographique sur la peur dans les dernières années vécues à Berlin – Vie sous la menace.
Elle découvre les conférences d’Hugo Bergmann sur les grands philosophes du judaïsme, rencontre Lenke Rothmann, jeune femme peintre d’origine hongroise, survivante des camps, entretient à partir de 1957 une correspondance très intense avec Paul Celan, lit les contes hassidiques, la Bible, le Zohar, la Kabbale.
Survient la mort de sa mère, en 1950. Nelly traverse une grave dépression.

Eli, mystère de la souffrance d’Israël
Abraham dans les déserts de sel
La chute de Samson traverse les millénaires
En vain sur un bûcher
Qu’est-ce qu’une victime ?

La Suède accorde à Nelly Sachs la nationalité suédoise en 1953, l’Allemagne découvre son œuvre et lui décerne en 1960 le prestigieux prix Droste de la ville de Meersburg. Pour le recevoir, Sachs accepte de se rendre pour la première fois dans son pays natal depuis son émigration, mais ne reste qu’une journée sur le sol allemand, avant de rejoindre Paul Celan à Zurich.
Nelly Sachs se voit décerner le prix Nobel de littérature le 10 décembre 1966, puis est faite citoyenne d’honneur de la ville de Berlin l’année suivante.
Autour du 20 avril 1970, Paul Celan se suicide en se jetant dans la Seine ; le 12 mai suivant, Nelly Sachs meurt à Stockholm. Elle avait peu de temps auparavant écrit à son cher Celan, dont l’œuvre est aussi née de la Shoah : « Nous vivons tous deux au pays invisible. » Dans la solitude et l’exil, elle avait noté en 1956 : « Le plus haut souhait sur terre : mourir sans être assassiné. »


Rendons hommage au grand poete Juif Tunisien Alain Suied decede jeudi 24 juillet 2008
Texte de Alain Suied sur Nelly Sachs
La voix de Nelly Sachs résonne enfin dans toute son amplitude, dans toute sa profondeur. C’est notre siècle fou qui parle à travers sa voix inoubliable. Nelly Sachs parle aux bourreaux : dans ce temps qui a détruit la parole et assassiné les voix, elle reconstruit la relation à l’autre, souligne le poids de l’inhumain en utilisant le moyen le plus fragile de l’humain – le souffle.
Poésie du souffle, de la confidence, appel à la poussière, cette poésie puise dans le dénuement, sa richesse, dans la mémoire d’un peuple, son sursaut d’avenir, dans la poésie détruite, son pouvoir d’écoute et d’échange.
Nelly Sachs parle aux « spectateurs » qui n’ont rien fait pour contrer la maladie nazie, pour protéger les enfants assassinés (« Combien d’yeux de mourants vous dévisageront / Lorsque, quittant vos cachettes, vous cueillerez la violette ? »), mais c’est pour dire que « la poussière » sera « transfigurée / en lumière »…
« Poussière qui est là, ouverte pour la rencontre bienheureuse / poussière qui laisse monter son être / qui se mêle à la parole / des anges et des amants »… La poétesse juive sait retrouver, au cœur de sa mémoire et au centre du travail poétique, la leçon de l’être : au plus noir de la cendre, la lumière a pu naître.
verdier

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