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SARAH MOON


PHOTO 1 - 2
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ACTU
PHOTOMAG




Sarah Moon, alchimiste photographe, pictorialiste, est loin, immensément loin des photographes de sa génération qui nous offrent des images d’une lucidité et d’une froideur au service d’une idée ou d’un concept


"Depuis 20 ans, écrit-elle, je fais presque toujours la même photo. Une photo de mode. Une robe, une femme, ou plutôt une femme, une robe. Dedans - dehors - debout - assise - plus près - plus loin - à l'ombre ou au soleil l'été - l'hiver - peu importe. Je photographie le privilège - l'évanescence - l'improbable ou la beauté - j'y cherche l'émotion et la quête en est d'autant plus désespérante. Souvent j'envie ceux qui savent photographier la vie. Moi je la fuis - je pars de rien - je ne témoigne de rien - j'invente une histoire que je ne raconte pas, j'imagine une situation qui n'existe pas - je crée un lieu ou j'en efface un autre, je déplace la lumière - je déréalise et puis j'essaie... Je guette ce que je n'ai pas prévu, j'attends de reconnaître ce que j'ai oublié - je défais ce que je construis - j'espère le hasard et je souhaite plus que tout être touchée en même temps que je vise..."photographiz



Née en 1941, dans une famille juive qui doit fuir la France occupée, Sarah Moon ne dit rien de son enfance, de ses années passées en Angleterre, de son père ingénieur, des ses quatre frères et sœurs...

Pourtant l’analyse de ses oeuvres amène à penser que son enfance a été déterminante pour un art dont le style est très arrêté.

Des constantes se retrouvent en effet dans ses photographies :

- le rapport à une nature inaccessible. La nature est conjuguée au passé ; on y trouve des pyramides, des rhinocéros, des mythes, au moins de la nostalgie, parfois de la tristesse

- pas de vrai blanc dans ses images, tout est en low key, pas d’échappées claires dans les ciels

- du flou, du vignettage

- de l’exotisme : animaux ou monuments lointains, avec une tonalité coloniale

- souvent du mouvement, comme effacement des premiers plans

- des yeux fermés, ou des visages effacés ou baissés

- des références aux années 30, à la modernité (dans le vêtement, dans la représentation de la femme)

- une grande importance des mains (qui sont la partie du corps des adultes à la hauteur du visage d’un enfant…)

- la martyrisation (par le corset, par les griffures, par le grattage du négatif)

- l’allusion au cauchemar d’enfant

- des personnages sans tête, sans bras, sans mains ou avec des bras en bois, ou amputés, une assimilation des êtres à des poupées

- un espace confiné auquel on n’échappe pas

- des signes, du graphisme contrasté augmentant le confinement par des impératifs autoritaires

- le silence, dont la suggestion dans l’image est renforcé dans le procédé par l’interposition de matières, de gestes, de cadres, de grattages entre le sujet et le spectateur.

Ces éléments nous semblent directement mener à une interprétation autour du souvenir de la prime enfance dans une Grande-Bretagne en guerre, un pays obligé d’appeler à l’aide les forces vives de ses colonies... d’où une atmosphère pleine d’inquiétude, de violence et de mutilation conjuguée au passé, avec la guerre en creux, une atmosphère où l’ailleurs colonial dans sa vision enfantine déborde de partout. Où le cadre familial confiné n’empêche pas l’arrivée des monstres et des mutilations probablement liées à l'omniprésence de la guerre. L’ailleurs est ainsi toujours présenté entre rêve, menace et souvenir dans une décor qui tient de la nature empaillée du musée d’histoire naturelle et de la violence du cirque. galerie photo

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