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RABBI MEIR DE ROTHENBOURG

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BIO hebreu

Méir de Rothenburg surnommé le Maharam de Rothenburg, est né entre 1215 et 1220 à Worms. Il est considéré comme le meilleur talmudiste de son époque; il est l’auteur d’une correspondance sur des sujets de halakha (jurisprudence religieuse) et environ mille de ses réponses ont traversé le temps.



Représentation de Rabbi Meïr b. Baruch de Rothenbourg sur un détail du Recueil Rothschild, Italie v. 1470. Jérusalem, Musée d'Israël.


Les aventures de rabbi Meïr de Rothenbourg
par Henri Smolarski


Au 13e siècle, un rabbin allemand incarna si fort la passion de la liberté qu'il fut enfermé dans une forteresse d'Alsace.

Une journée ensoleillée de juin 1242. Commères, boutiquiers, garçons d'étuve, soldats, filles de plaisir, enfants pieds nus saluaient avec des cris l'apparition place de Grève de la procession des charrettes chargées de livres. Après avoir longé la Seine, les vingt-quatre charrettes étaient attendues par le bourreau en cagoule rouge, ses aides, le bûcher, l'archevêque de Paris et son chapitre et un cortège de seigneurs habillés de frais, épée au fourreau, prêts pour un imaginaire combat.
A la tête de la procession marchait, les yeux mi-clos, un frère franciscain.
"Je le reconnais, dit le tavernier du Poisson d'Or, c'est Nicolas Donin qui a obtenu du Roi Louis IX le brûlement des livres de Satan."

Le premier Shabath de mars 1240, alors que les juifs étaient reclus en leurs synagogues, le roi, sur dénonciation de Nicolas Donin, avait fait saisir les traités du Talmud avant d'en faire un procès jugé d'avance.
La foule s'amusait des moines et moinillons chantant des prières et entourant chevaux et charrettes. Enrobées dans leurs reliures de cuir noir, les pernicieuses paroles de la gente judaïque allaient devenir cendres et fumées.

Soudain, Nicolas Donin s'immobilisa. Là, au premier rang des badauds, un homme encore très jeune le fixait, pâle et la tête couverte. C'était Meïr ben Baroukh, né à Worms en 1215, un étudiant de Samuel ben Salomon de Falaise et de rabbi Yehiel ben Joseph, maître de cette yeshiva de Paris où lui-même se laissait enseigner les agadoth du Talmud de Babylone. II n'était pas encore, en ce temps, Nicolas Donin, juif converti à Jésus. Meïr comprit qu'il n'était venu que pour rencontrer le regard de l'apostat. C'était lui, Nicolas Donin, qui avait soutenu l'accusation contre la Loi Orale défendue farouchement par rabbi Yehiel et d'autres maîtres.
Le frère franciscain eut un moment d'hésitation, remua les lèvres et détourna la tête. Meïr sut que plus jamais Nicolas Donin n'oublierait ces badauds, ces rires, cette épaisse fumée s'élevant des livres à noire reliure et prônant la liberté et la justice pour chaque homme. Plus jamais.


Lorsque quarante ans plus tard, Nicolas Donin fut chassé pour hérésie de l'ordre des Franciscains, il rêva pendant des nuits des flammes de la place de Grève, des flammes blanches et noires à formes d'anges et de dragons.

Meïr ben Baroukh, dès qu'il fut rentré du brûlement, écrivit une élégie, Shaali seroufa baesh : "Intercédez, ô vous, consumés par le feu, pour la vie de ceux qui portent votre deuil...". L'élégie figurera dans le rituel du 9 Av.


L'apostat de Lombardie

Une journée pluvieuse de juin 1286. Une bourgade de Lombardie avec son église, ses pèlerins. Souffrant des articulations, l'évêque de Bâle qui se rendait chez le pape à Rome faisait halte au château du seigneur des lieux, Meinharat de Gorz, ardent défenseur de la foi.
Alors qu'il allait à vêpres tête baissée à cause de la pluie, le compagnon de route de l'évêque, Johann Maria, un marchand juif nouvellement converti et fort dévôt, lui dit :
- Voyez cet homme près de la fontaine. Il se moque bien de l'averse.
- Quel homme ?
- Là, ce vieil homme, court sur pattes et à la barbe neigeuse.
- Et qui est-ce ?
- Je le connais bien. J'ai déjà mangé à sa table dans sa belle demeure de Rothenbourg aux vingt-et-une pièces rabbi Meïr ben Baroukh, le chef de la juiverie allemande. Un être retors et obstiné. N'est-il pas en train de jouer quelque tour à l'empereur Rodolphe?
- Comme c'est intéressant, dit l'évêque de Bâle.

Le même soir, à la fin de l'averse et par clair de lune, les gens du comte Méinharat ale Gorz se saisirent de rabbi Meïr ben Baroukh de Rothenbourg qui attendait dans cette bourgade surmontée d'une colline de pins le reste de sa famille, filles, gendres et petits-enfants pour s'enfuir avec eux en terre de Palestine.

L'empereur Rüdolphe 1er de Habsbourg, avait en effet décidé de considérer les juifs de ses provinces comme serfs du Trésor et de les taxer à son gré comme s'ils étaient champs, maisons ou vergers. Une telle taxe, proclama rabbi Meïr ben Baroukh de Rothenbourg, réduit les juifs en servitude. Plutôt partir en terre d'Israël que nous soumettre.

Au demeurant, l'empereur était un être fantasque sans morale ni principes. En même temps, il acceptait du riche Anchel Oppenheimer un important prêt d'argent, confirmait l'autonomie judiciaire des juifs de Ratisbonne, mais sur pression de l'évêque leur imposait de rester dans leurs maisons pendant la Semaine sainte. Il rappelait les droits des juifs d'Autriche, mais les chassait de la fonction publique. Il saluait la bulle d'Innocent III contre l'accusation de crime rituel, mais ne sévissait guère contre les excès anti-juifs le long du Rhin et en Bavière.

Ainsi, les milliers de juifs allemands qui décidèrent de quitter le pays avec en tête, rabbi Meïr ben Baroukh de Rothenbourg avaient d'amères raisons de le faire :
Le chef de la juiverie allemande était une prise de taille. "Un beau brochet", conclut le renégat. Rabbi Meïr fut enfermé d'abord à Warbourg, puis cloîtré à la forteresse d'Ensisheim, au sud de Colmar.


La forteresse d'Alsace
Emprisonné, le rabbi continuait à répondre aux questions qui lui étaient soumises. D'Autriche, de Bohême, d'Italie, de France et même d'Espagne d'où lui écrivait rabbi Salomon ben Abraham Adret. Ni élu, ni nommé, rabbi Meïr ne vit jamais sa souveraineté spirituelle mise en cause. Il lui arrivait de convoquer un synode de communautés et de rabbins pour les obliger à admettre qu'une "épouse rebelle" perdait en cas de divorce les avantages de son contrat de mariage.
Fustigeant l'orgueil des communautés du Rhin, il leur disait : "Vous, notables distingués des communautés, sans doute trouvez-vous délicieuse l'idée que depuis qu'un mari doit solliciter votre permission pour demander le divorce, nul rabbin ne peut décider de la Loi sans votre autorisation expresse. Non, ceci n'est pas admissible, car celui qui est capable d'arriver à une décision correcte, la Torah est à lui ...".

En un siècle de féodalité triomphante, rabbi Meïr, dans la plupart de ses quatre-vingts Responsa traitant de droit public et de gouvernement communautaire, expliqua et exposa de façon incisive les idées de liberté de l'homme, de limitation du pouvoir de la majorité, de gouvernement par consentement des gouvernés. Il renforça la forme démocratique de la direction des communautés et inspira ainsi dans un esprit libéral les municipalités et les guildes de la bourgeoisie qui commençaient à prendre conscience d'elles-mêmes tout à côté des communautés juives.

Pour obtenir la libération par l'empereur Rodolphe 1er de Habsbourg, de rabbi Meïr subversif - et retenu comme otage, les juifs firent un effort considérable. Ils réunirent près de 23 000 livres d'argent pour payer sa rançon. En vain. Avec fermeté, rabbi Meïr fit savoir qu'il refusait que l'on versât une seule livre d'argent pour lui. "Si vous payez, leur dit-il, le, Pharaon découvrira ainsi un moyen de se procurer de l'argent à bon compte. Ensuite, l'empereur considérera que la rançon est un paiement des taxes dont nous ne voulons pas. N'acceptez pas d'être des esclaves."

Aucune rançon ne fut versée et rabbi Meïr de Rothenbourg resta prisonnier à Ensisheim. L'empereur l'autorisa à recevoir la visite de ses élèves, mais à la grande colère des bourgeois, il estima que les biens laissés par ceux qui avaient pu quitter l'Allemagne étaient sa propriété.
A la mort de rabbi Meïr en 1223, l'empereur refusa de livrer son corps aux juifs. Il fallut en 1307 une rançon versée par un juif généreux de Francfort, Alexandre Süsskind Wimphen, pour qu'enfin rabbi Meïr de Rothenbourg pût reposer à Worms. A sa mort, Wimphen voulut être enterré à côté de son maître.

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