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ELIE BLOCH



LOGE
HEROS
Pere Fleury
JUSTE


Elie Bloch appartient à une vieille famille alsacienne. Pendant plus de deux siècles, les Bloch vivent à Grussenheim dans le Haut-Rhin, tandis que la branche maternelle, les Debré, a pour berceau familial le village de Westhoffen.


Un enfant de l’Alsace
Le 8 juillet 1909, Elie Bloch naît à Dambach-la-Ville où son père Joseph exerce les fonctions de rabbin, mais c’est à Barr, où sera transféré le siège du rabbinat, qu’il passe l’essentiel de son enfance. Avec ses deux sœurs Angèle et Andrée, il forme le premier noyau des EIF de cette bourgade. Son baccalauréat obtenu, ce jeune homme très pieux décide de s’inscrire, à la surprise de tous, à l’Ecole de tissage et de filature de Mulhouse, alors que son entourage escomptait qu’il suivrait les traces de son père.


En 1928, il en sort avec un "diplôme de premier ordre dans la spécialité tissage". Il entre dans l’entreprise d’Henri Bloch à Sainte-Marie aux Mines. De ce passage en usine il conservera une conscience aiguë des problèmes sociaux. Mais la vie dans le textile ne le satisfait pas sur le plan intellectuel. Sa vocation de devenir rabbin s’affirme alors. En octobre 1929, à la satisfaction de ses amis et de ses parents, il décide de rejoindre le séminaire de la rue Vauquelin à Paris.

Il est accueilli à bras ouverts par le directeur, le grand rabbin Jules Bauer. Ses études rabbiniques ne le laissent pas insensibles aux problèmes douloureux des années 1930 : la montée de l’antisémitisme, l’arrivée d’Hitler et les ligues qui battent le pavé parisien. Le jeune Elie participe aux contre manifestations des intellectuels antifascistes. Certains de ses condisciples raillent celui qu’ils désignent entre eux par "le petit communiste". En fait, il n’a jamais appartenu à un quelconque parti politique, même s’il se sent des affinités pour l’aile gauche de la SFIO, animée par Marceau Pivert. Sa générosité le porte tout naturellement vers les questions sociales.

Son ascendant sur ses camarades demeure très fort. En 1932, sans qu’il soit candidat, ils l’élisent doyen, c’est-à-dire représentant des élèves. Toutes ces activités ne l’empêchent pas de briller dans les études rabbiniques. Il fréquente quelques mois la yéchivah de Montreux où il approfondit tosafoth et pérakim à la grande satisfaction de ses maîtres. A la fin de l’année 1934, il subit avec succès les épreuves tant écrites qu’orales conduisant à la validation du diplôme de rabbin. Toutefois le sermon qu’il prononce soulève de nombreuses appréhensions du jury. Le 6 février 1934 est tout proche ; le jeune Elie n’a pu s’empêcher d’évoquer le contexte politique et social qui l’entoure. Ses professeurs décident de "réserver la collation de son diplôme rabbinique". Finalement, quelques mois plus tard, il le lui sera accordé, après un long débat de la commission restreinte du Consistoire Central et "après l’audition de l’intéressé".


Le rabbin de la jeunesse de Metz
En septembre 1935, il est nommé à Metz, rabbin adjoint chargé de la jeunesse auprès du grand rabbin Nathan Netter. Elie Bloch devient le lien entre deux communautés qui se côtoient sans se fréquenter, les "yékés", Juifs messins assez francisés, voir même assimilés, et les "polacks", nouveaux arrivés d’Europe de l’Est qui affichent avec force leur judaïsme.

Le jeune rabbin pratique des méthodes pédagogiques nouvelles favorisant la réflexion plutôt que le bourrage de crâne. Il séduit de la sorte les jeunes des deux communautés qu’il rassemble en majeure partie au sein des Eclaireurs Israélites. Il anime chaque samedi après-midi un oneg shabath, et organise le jeudi des sorties au cours desquelles les jeunes visitent les réalisations sociales des municipalités ouvrières. Cette volonté de faire du judaïsme une religion ouverte sur le monde plaît à tous les jeunes Juifs de Metz.

Cette première expérience rabbinique contribue à façonner le jeune Elie. Elle atténue sa vision trop politique de la société pour le recentrer sur le monde juif. Le 22 décembre 1936, il épouse l’une de ses élèves, à peine âgée de 18 ans, Georgette Samuel, la fille du président du consistoire de la Moselle. Neuf mois plus tard naît la petite Myriam. Ce sont leurs premiers et derniers moments de bonheur.


L’aumônier des évacués et des réfugiés
Dès la déclaration de guerre, l’Etat major français évacue les populations civiles vers l’arrière. A partir du 3 septembre 1939, les habitants de la Moselle rejoignent les départements de la Vienne, de la Charente et de la Charente-Maritime. Environ 200 000 Lorrains sont transférés de la sorte, parmi lesquels près de 4 000 Juifs. Nommé aumônier des Juifs évacués, Elie Bloch les accompagne. Il réclame au consistoire central " la liste des communautés" de ces départements. Or depuis le début du 14e siècle, 1307 exactement, il n’y a plus de Juifs dans le Poitou ! On a donc évacué des milliers de personnes dans l’ignorance totale des capacités spécifiques de leur accueil.

Elie Bloch se démène pour édifier des lieux de prières totalement absents, trouver les hazanim, et surtout mettre en place l’abattage rituel de la viande. En raison de l’absence de shoheth, iI ne parvient, qu’au bout de plusieurs mois, à réaliser une cashrouth acceptable. Pendant ce laps de temps, les fidèles les plus pieux ont du se contenter d’une alimentation réduite aux oeufs et au poisson.

A la veille de la célébration de Pessah, en avril 1940, on peut affirmer que les Juifs évacués ont enfin trouvé les quelques éléments d’une structure communautaire, capables de les rassurer. Des oratoires ont été créés, à Poitiers, Angoulême, La Rochelle, Royan, Châtelaillon et Chauvigny. L’enseignement religieux a repris dans les lycées et écoles de la région, non sans difficultés, car le Poitou et les Pays charentais, terres de tradition laïque, demeurent peu familiers aux pratiques concordataires.


Le rabbin du camp de Poitiers
Le 22 juin 1940, les troupes allemandes pénètrent dans Poitiers. La ligne de démarcation traverse la Vienne et la Charente. Poitiers et Angoulême sont en zone occupée, où se trouve piégée la majorité de Juifs Mosellans. L’édifice élaboré à grand peine par le jeune rabbin est vite menacé.

Dans le désordre de l’évacuation, les responsables du consistoire de Moselle se sont éparpillés à travers le pays. Le grand rabbin Netter s’est réfugié, en Gironde, dans sa propriété viticole de Saint-Estèphe, "le château La Haye", construit en 1557 pour être le rendez vous de chasse de Diane de Poitiers et de Henri II. Désormais, il appartient à Elie Bloch de représenter les communautés transplantées et de les défendre face aux mesures d’exclusion. Le recensement d’octobre 1940 nous donne une géographie à peu près précise des 3600 Juifs placés sous sa responsabilité. En Charente-Maritime on en compte 1464, dans la Vienne 836, en Deux-Sèvres 306 et en Charente un millier environ. Désormais, les Juifs sont identifiés, leur résidence repérée et leurs activités et déplacements contrôlés.

La plupart des lieux de culte mis en place par Elie Bloch doivent fermer. A Royan, le hazan, Isaac Binn d’origine allemande est arrêté et interné au camp de Libourne. Il ne reste plus que l’oratoire de Poitiers, installé dans la maison du rabbin et celui d’Angoulême, placé sous la responsabilité d’Henri Kauffmann. Si les obsèques, mariages et bar mitsvoth sont célébrés tant bien que mal, ce n’est pas le cas des brith-miloth. Les parents doivent attendre plusieurs mois avant de trouver un éventuel mohel (circonciseur). Toutes les sollicitations, toutes les réclamations convergent vers le jeune rabbin. Pour la fête de Pessah de 1941, il parvient à fournir autant de matzoth qu’en réclament ses fidèles.

Le 15 juillet 1941, tout bascule. Une grande rafle est organisée par le préfet de région, 152 juifs de la Vienne sont internés au "camp de concentration des Nomades, route de Limoges à Poitiers". A la fin du mois on en compte 350 parmi lesquels de nombreux enfants. Aussitôt Elie Bloch adresse au préfet, un message véhément qui décrit le dénuement des internés qui "cohabitent avec des souris et des rats qui dévorent tout". Il lui demande de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer des conditions meilleures "à ces internés, innocents de toute faute". Le rabbin fournit des secours aux internés : argent, vêtements, nourriture et médicaments. Il est aidé dans cette tâche par sa première secrétaire, Charlotte Rosenbaum, que remplace ensuite Régine Breidick, ainsi que par les dévoués Michel Rosenblum et David Friedmann. Il finance ces aides à l’aide de ses propres collectes et avec les fonds fournis par le dispensaire "la Mère et l’enfant" plus connu sous l’appellation du "Comité de la rue Amelot". De 1941 à 1942, une assistante sociale de ce comité, Marcelle Valensi, assiste le rabbin.

Grâce aux démarches de celle-ci et à celles d’Elie Bloch, ainsi qu’au soutien des personnels de la préfecture de Poitiers, le 24 novembre 1941, 66 enfants de moins de 14 ans sont autorisés à quitter le camp, une partie est placée dans un home d’enfants, l’autre dans des familles juives de la Vienne.

Elie Bloch ne pourra éviter les déportations organisées à partir du camp de Poitiers. Du 18 juillet 1942, date du premier convoi au 5 mai 1944, date du dernier, en douze transferts vers Drancy, 1600 Juifs ont été déportés. Par son triste bilan, Poitiers demeure le camp le plus important de l’Ouest de la France


L’organisateur de réseaux de solidarité
En l’absence de rabbins entre Loire et Gironde, Elie Bloch se doit d’assurer la tâche d’aumônier de plusieurs départements du Centre Ouest. On lui confie le soin de veiller sur les internés du camp de La Lande, à Monts près de Tours. Pour se rendre encore plus utile, il accepte de devenir le responsable de l’UGIF pour la région de Poitiers. Il reçoit la charge de confectionner des colis pour les internés de son secteur. Rapidement, compte tenu de son efficacité, on lui confie également la confection des colis pour les camp de Pithiviers, Beaune la Rolande et Drancy. Sa générosité et son dévouement lui attirent les sollicitations des internés d’une vingtaine de camps. On lui écrit de Mérignac, de Gurs, de Compiègne et même du camp de Djelfa, en Algérie. Il répond à tous ces malheureux, leur adressant argent, vêtements ou nourriture. Une mission peu aisée, en raison des difficultés de ravitaillement. Du 1er avril au 30 juillet 1942, période des grandes rafles, le rabbin et son équipe réussissent à expédier 661 colis. A la fin de l’année 1942, 1007 colis auront été envoyés. Les dépenses totales atteignent 1.013.910 francs de l’époque. Elles sont alimentées par l’UGIF pour 63 %, le comité de la rue Amelot, pour 14%, les dons individuels qui parviennent au rabbin pour 5 % et enfin le solde est fourni par les allocations de réfugiés.

Il s’agit bien d’une véritable équipe d’hommes et de femmes qui entoure le jeune rabbin, répartis entre Saumur, Tours, Poitiers, Angoulême et dans de nombreuses petites communes. Tous sont séduits par son charisme et son dynamisme. Chaque semaine, il leur adresse des étiquettes au nom des internés, donnant à chacun la mission de constituer un colis type. A ceux qui disposent de plusieurs étiquettes, il leur joint de l’argent ou des produits alimentaires, sardines ou fruits secs. Son équipe ne se contente pas de la seule expédition des colis. A la demande du rabbin, ces hommes et ces femmes rendent visite aux personnes seules, aux malades hospitalisés, aux internés dans les camps et prisons, aux enfants dont les parents ont été déportés et enfin collectent les fonds nécessaires. Entre Loire et Garonne, Elie Bloch réussit à tisser les liens d’un véritable réseau de solidarité. Lorsqu’un maillon disparaît, en raison du passage en zone sud, ou cas le plus fréquent, d’une arrestation, une autre femme, un autre homme reprend la place laissée vide. Nous aimerions citer toutes ces personnes courageuses, mais comment y procéder sans courir le risque d’en oublier ?

On passe très vite du réseau de solidarité au réseau de résistance. Elie Bloch, aidé par le père Jean Fleury, l’aumônier des Tsiganes du camp de Poitiers, assiste tous ceux qui souhaitent franchir la ligne de démarcation. Avec le concours du prêtre catholique et de ses amis, parmi lesquels figurent plusieurs femmes, Hélène Durand, Constance de Saint-Seine, Suzanne Bourlat, Aline Peltier et Pierrette Poirier, des adultes et enfants sont cachés dans les campagnes poitevines. Le père Fleury qui dispose de contacts à la préfecture, grâce à Hélène Marzelier et Jeanne Fayolle, prévient des arrestations futures. Aujourd’hui toutes ces personnes appartiennent aux "Justes parmi les nations". Dans la région de Niort, une équipe de pasteurs protestants, produit de faux papiers et met à l’abri de nombreux enfants. Il s’agit de Marc Jospin, André Encrevé et surtout Georges Casalis à Moncoutant. Grâce au courage de toutes ces équipes, environ 400 personnes sont sauvées dont une moitié d’enfants.


Le rabbin assassiné
L’activité d’Elie Bloch dérange l’adjudant SS Hipp, responsable du Sipo-SD de Poitiers. Malgré les mesures d’intimidation et les humiliations dont il est régulièrement victime, le jeune rabbin ne baisse pas la garde, multipliant interventions et protestations.

Le 22 janvier 1943, le SS Hipp arrête Georgette l’épouse du rabbin, sur un faux prétexte et l’interne dans le "camp de la route de Limoges". Le rabbin alerte ses amis de Paris et de Poitiers. Le 11 février, Elie Bloch est à son tour arrêté, avec sa fille Myriam âgée de 5 ans. Il franchit les barbelés du camp, où lui même s’est si souvent rendu pour soutenir les internés. Le Sipo-SD n’attend pas la formation d’un convoi, le 24 février, Elie, Georgette et Myriam sont transférés à Drancy, par un train spécial. Les témoignages de soutien et de sympathie affluent chez son père, Joseph Bloch. Le plus émouvant demeure celui du jeune rabbin Samy Stourdzé lui-même interné à Mérignac : " je demeure persuadé que son moral est à la hauteur de son courage et que c’est encore lui qui soutient ceux qui sont dehors".

De Drancy, Elie Bloch prodigue des conseils à sa secrétaire Régine Breidick qui l’a remplacé à Poitiers à la tête de l’UGIF. Dans le camp il rend visite aux malades, partage les colis qu’il reçoit avec ceux qui ne possèdent rien et donne quelques cours d’instruction religieuse. Lors du Seder de Pessah1943, il réunit autour de sa table plusieurs amis. Le 17 décembre 1943, avec de nombreux responsables de l’UGIF dont André Baur, Elie et sa famille sont déportés vers Auschwitz. On les assassine dès leur arrivée. judaisme

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