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"Les fleurs sont immortelles, le ciel d’un seul tenant
Et ce qui adviendra : simple promesse…"
O. Mandelstam
Né le 15 janvier 1891 à Varsovie (Pologne) décédé le 27 décembre 1938 au goulag Archipelago près de Vladivostock (Russie)
Poète et essayiste russe, considéré au même titre que Boris Pasternak comme une des grandes voix de la poésie russe du XXe siècle. La plupart des œuvres de Mandelstam restèrent inconnues en dehors de son pays et ne furent pas éditées pendant l’ère stalinienne (1929-1953). Mandelstam fut un des membres les plus en vue de l’école Akméiste de poésie, ainsi que Anna Akhmatova, ce qui l’éloigna de la veine principale de la poésie soviétique.
Ossip Mandelstam naît à Varsovie et grandit à Saint-Pétersbourg. Son père est un commerçant en maroquinerie et sa mère enseigne le piano. Les parents de Mandelstam sont juifs, mais peu pratiquants. A la maison, il est éduqué par des tuteurs et des gouvernantes. Il suit les cours de la prestigieuse école Tenishev (1900-1907), puis se rend à Paris (1907-1908) et en Allemagne (1908-1910), où il étudie la littérature française ancienne à l’Université de Heidelberg (1909-1910). De 1911 à 1917 il étudie la philosophie à l’Université de Saint-Pétersbourg. Mandelstam est membre de la Guilde des poètes à partir de 1911. ses premiers poèmes paraissent en 1910 dans la revue Apollon.
Comme poète, Mandelstam obtient la reconnaissance publique avec son recueil KAREM ("Pierre"). Les sujets traitent de la musique aux triomphes de la culture, tels l’architecture classique romane et la cathédrale byzantine de Sainte-Sophie à Constantinople. Suivent TRISTIA (1922), qui confirme son statut de poète et STIKHOTVORENIA 1921-25 (1928). Dans Tristia, Mandelstam fait le lien entre le monde classique et la Russie contemporaine, comme dans Karen, mais le nouveau thème de l’exil apparaît. Le ton est triste ; le poète fait ses adieux.
Mandelstam est favorable à la révolution de Février 1917, mais est d’abord hostile à Octobre 1917. En 1918 il travaille brièvement pour Anatoly Lunacharskii au ministère de l’éducation à Moscou. Avec ses fréquentes visites au Sud, Mandelstam n’est pas confronté aux troubles compliquant la vie quotidienne pendant la guerre civile. Après la Révolution, la poésie contemporaine ne trouve pas grâce à ses yeux. La poésie des jeunes lui paraît un cri infantile. Il n’accepte que Pasternak et admire également Akhmatova.
En 1922 Mandelstam épouse Madezhda Iokovlevna Khazin, qui l’accompagnera pendant ses années d’exil et d’emprisonnement. Dans les années 1920, Mandelstam pourvoit à ses besoins en écrivant des livres pour enfants et en traduisant des oeuvres d’Upton Sinclai, Jules Romains,Charles de Costers, entre autres Il ne compose plus de poèmes de 1920 à 1925, et se tourne vers la prose. En 1930 il fait un voyage en Arménie. Mandelstam se voit comme un outsider et établit un parallèle entre son sort et celui de Pouchkine. La préservation de la culture traditionnelle prend pour lui un rôle central, et les autorités soviétiques mettent en doute – à raison – sa loyauté vis-à-vis du régime bolchevique. Pour échapper à ses puissants ennemis, Mandelstam voyage comme journaliste dans les provinces éloignées. Son "Voyage en Arménie" (publié en 1933) est la dernière de ses œuvres de valeur parues de son vivant.
"Nous vivons, sourds au pays en dessous de nous,
Dix marches plus bas personne n’entend nos paroles,
Mais si nous tentons la moindre conversation
Le montagnard du Kremlin y prend part."
(de "Staline" - 1934)
Mandelstam fut arrêté pour la première fois en 1934 pour une épigramme écrite à propos de Staline. "Et chaque massacre réjouit/L’Ogre Ossète". Staline prit un intérêt particulier à Mandelstam et demanda par téléphone à Pasternak s’il était présent lorsque Mandelstam avait lu son pamphlet. Mandelstam fut exilé à Cherdyn. Après une tentative de suicide ; la sentance fut commuée en exil à Voronez, jusqu’en 1937. Dans son Carnet de Voronezh (1935-1937), Mandelstam écrit «"Il pense en os et ressent avec ses sourcils/Et tente de reprendre forme humaine" - le poète va jusqu’à s’identifier à Staline, son tourmenteur coupé de toute humanité
Mandelstam est arrêté pour activités contre-révolutionnaires en mai 1938, et condamné à 5 ans de travaux forcés. Dans le camp de transit, Mandelstam est si faible qu’il ne peut se tenir debout. Il meurt au goulag Archipelago, près de Vladivostok. Son corps est jeté dans une fosse commune.
La reconnaissance internationale vient à Mandelstam dans les années 1970, quand ses œuvres sont publiées en Occident et en Union soviétique. Sa veuve Nadezhda Mandelstam publie ses propres mémoires, "Espoir contre espoir" (1970) et "Fin de l’espoir" (1974), qui décrivent leur vie et l’ère stalinienne. Les poèmes de Mandelstam à Voronez, publiés en 1990, sont proches de ce que le poète allait écrire s’il avait survécu.
acam france
"En me privant des mers, de l’élan, de l’envol,
Pour donner à mon pied l’appui forcé du sol,
Quel brillant résultat avez-vous obtenu,
Vous ne m’avez pas pris ces lèvres qui remuent."
Mandelstam, Cahiers de Voronèj
Si nous avons oublié que la poésie, c’était avant tout le vers, nous savons néanmoins que tout ce qui est versifié n’est pas poétique et que, depuis Baudelaire, l’écrivain est poète lorsqu’il réalise le vœu d’«une prose […] musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter au mouvement de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience» (C. Baudelaire, «A Arsène Houssaye», Petits Poèmes en prose).
Ainsi l’écrivain russe Ossip Emilievitch Mandelstam, dans son œuvre où la prose abonde, ne cessa jamais d’être poète, lui qui fonda l’acméisme en compagnie de Anna Akhmatova et Nikolaï Goumilev, courant littéraire qu’il définissait comme «la nostalgie de la culture universelle». On peut d’ailleurs considérer que ses nombreux textes en prose gravitent autour des trois recueils qu’il a composés : Pierre, paru en 1912 ; Tristia en 1923, dont les poèmes annoncent ironiquement, par la référence à Ovide, l’exil au cours duquel il écrira en 1935 et 1937 les Cahiers de Voronèj, œuvre ultime et acmé. Révolté contre le symbolisme russe, Mandelstam accorde une place centrale au mot non plus seulement considéré comme phénomène acoustique, mais aussi comme réalité architecturale : les mots sont des pierres, «voix de la matière» autant que matière de la voix parutions
Le piéton
Face aux hauteurs et face à leur mystère
Je sens toujours un invincible effroi;
J’aime l’hirondelle élancée dans l’air
Et le clocher dont le vol se déploie.
Et pareil au piéton d’autrefois,
Sur la passerelle de l’abîme grand ouvert
J’écoute la neige qui roule et croît,
Et l’éternité sonne à l’horloge de pierre.
Hélas ! je ne suis pas ce voyageur
Qui apparaît sur les feuilles déteintes,
Et la tristesse en moi chante sans feinte.
Non, l’avalanche en montagne n’est pas un leurre,
Et au son des cloches toute mon âme s’ouvre…
Mais la musique ne peut pas sauver du gouffre !
Ossip Mandelstam, (La) Pierre, les premières poésies, (1906-1915)
"En me persécutant, Monde, que retires-tu ?
Où est l’offense puisque j’essaie seulement
De mettre des beautés dans mon intelligence
Plutôt que mon intelligence dans les beautés. "
Philippe Jaccottet nous rapporte ceci :
On raconte que Mandelstam, dans le camp, le goulag, de Sibérie où il a passé ses dernières années, aurait récité des poèmes de Pétrarque aux autres prisonniers. Malgré la faim, le froid, ils écoutaient, les oiseaux noirs aussi, qui s'arrêtaient un instant de tourner autour de la mort, seule libération des déportés. Dieu sait qu'il n'ait rien de plus éloigné du lumineux Pétrarque que ces hommes en haillons. Mais ajoute-t-il , la poésie dans ce cas, c'était un peu comme la goutte d'eau pour un homme qui marche dans le désert, quelque chose qui tout à coup prend un poids d'infini et vous aide à traverser le pire.
Des récits de la Kolyma, l'enfer des camps russes, nous disent que la poésie aura été parfois la forteresse, et non pas du tout une échappatoire. La poésie parle toujours au nom de la vie.
Parmi les nombreux poètes juifs assassinés par Staline, Mandelstam demeure la figure de proue, le symbole de cette barbarie, car il était en son temps considéré comme l'un des plus grands poètes en langue russe avec Akhmatova et Pasternak. On l'imagine toujours émacié s'appuyant au sol vide de sa vie. Ce ne fut que vers la fin dans les cercles infernaux de la Kolyma.espritsnomades
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