CERF BERR
BIOGRAPHIE
LEGENDE
HISTOIRE
DOSSIER
AVOCAT
LOUIS XVI
NAPOLEON
Hertz CERF-BERR (1726-1793)
Né à Medelsheim, d’une famille de marchands aisés, il fit fortune en France comme fournisseur aux armées. En 1775, Louis XVI lui accorda la citoyenneté française pour « services rendus à la nation ». Il possédait en Alsace plusieurs manufactures et se montrait un bienfaiteur actif de la communauté juive à laquelle il appartenait, mais à partir des années 1780, il s’engagea dans la lutte pour l’émancipation. Ce fut l’affaire des fausses quittance qui l’y poussa : en 1779, un officier de justice, le bailli Hell, fit circuler en Alsace des fausses quittances qui soldaient toutes les créances détenues par des juifs auprès de chrétiens. En même temps il diffusait un pamphlet anti-juif d’une extrême violence, les Observations d’un Alsacien sur l’affaire présente des Juifs d’Alsace. Le résultat fut une enquête des autorités de Colmar qui donnèrent tort aux chrétiens et condamnèrent les fausses quittances : s’ensuivit une vague de colère anti-juive et même une tentative organisée de destruction des Juifs d’Alsace par des populations fanatisées. Cerf-Berr, qui représentait sa communauté en temps que « préposé général » la défendit dans un Mémoire des Juifs d’Alsace, qu’il communiqua à Mendelssohn en vue d’un ouvrage général sur la possible émancipation des populations juives d’Europe. Le traité fut rédigé par Dohm, et Cerf-Berr le fit traduire en française. L’ouvrage fut détruit par la censure française, mais Cerf-Berr ne se découragea pas : avec la complicité de Mirabeau, les thèses qu’ils contenaient purent être diffusées en France.
Cerf-Berr s’attaqua ensuite à une question plus ponctuelle : il s’agissait de faire abolir le droit de péage corporel que payaient les juifs pour entre dans les grandes villes, droit qui les assimilait à des bestiaux. Lavoisier donna l’exemple en 1783, en faisant abolir ce droit dans le Clermontois, mais l’abolition générale fut plus difficile à obtenir. Cerf-Berr multiplia les travaux et les suppliques et finit par obtenir que des lettres patentes suppriment le péage au niveau national. Toutefois il resta en vigueur dans plusieurs villes, les parlements ayant parfois refusé l’enregistrement des lettres.
Lorsque fut envisagée l’unification du statut des juifs de France, c’est à Cerf-Berr que fit appel tout naturellement Malesherbes, chargé par Louis XVI de procéder à une vaste enquête sur le sujet. Il fit donc partie, au côté de Roederer, Target et Lacretelle, de la « commission Malesherbes ». Il semble n’avoir guère pu s’entendre avec Malesherbes : très attaché au statut communautaire des juifs d’Alsace, orthodoxe strict, il était en réalité, malgré son indéniable progressisme et son sens de l’activisme politique, relativement en porte-à-faux avec la pensée universaliste et moderne du grand magistrat réformateur.
De la même façon, la Révolution, qui interrompit les travaux de Malesherbes et posa la question du statut des juifs en termes abstraits, ceux des droits de l’homme, lui posa des problèmes. Syndic des juifs d’Alsace, il s’acharna à leur obtenir un semblant de représentation au niveau national, mais ne saisit pas l’importance de l’acquisition de la citoyenneté. Il était à cent lieues de son coreligionnaire Hourwitz ou du chrétien Grégoire sur ce point, et souvent son combat pour le maintien des spécificités communautaires des juifs alsaciens paraît un peu à contre-temps. Néanmoins son dévouement à la cause des juifs allemands fut admirable et il fut, malgré ses limites, un des grands acteurs de l’émancipation.
Après 1791, il ne joua plus de rôle important. Ses fils lui avaient succédé comme fournisseurs aux armées, et s’étaient inscrits aux jacobins. Proches de Girondins, ils firent partie de l’éphémère Comité des subsistances, et furent arrêtés lors de l’accès au pouvoir des Montagnards, pour être d’ailleurs rapidement libérés. Cerf-Berr lui-même fut emprisonné quelques semaines, sans que les causes de son arrestation aient pu être établies avec certitude. Il fut libéré assez rapidement, mais mourut peu de mois plus tard.
Il était semble-t-il, à la différence de ses enfants, resté royaliste : il était fondamentalement un homme de l’Ancien Régime, ce qui n’enlève rien à la grandeur de son action.
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