ALEXANDER PETCHERSKY
SOBIBOR
OFFICIER
CAMP
INTERVIEW
Alexandre Petchersky, officier juif soviétique,
organisateur de l'insurrection au centre
d'extermination de Sobibor
le 14 octobre 1943.
La révolte de Sobibor ne pouvait être un moment de Shoah : elle méritait un film en soi, elle réclamait d’être traitée pour elle-même. Elle est en effet un exemple paradigmatique de ce que j’ai appelé ailleurs la réappropriation de la force et de la violence par les juifs. La Shoah ne fut pas seulement un massacre d’innocents, mais aussi justement un massacre de gens sans défense, trompés à toutes les étapes du procès de destruction et jusqu’aux portes des chambres de supplice. il faut faire justice d’une double légende, celle qui veut que les juifs se soient laissés conduire au gaz sans pressentiment ni soupçon, que leur mort ait été "douce", et cette autre selon laquelle ils n’opposèrent à leurs bourreaux aucune résistance. Sans rien dire ici des grandes révoltes, comme celle du ghetto de Varsovie, les actes de bravoure et de liberté, individuels ou collectifs, furent très nombreux dans les camps et les ghettos : insultes, malédictions, suicides, assauts désespérés. Il est vrai pourtant qu’une tradition millénaire d’exil et de persécution n’avait pas préparé les Juifs, dans leur grande masse, à l’exercice effectif de la violence, qui requiert deux préconditions indissociables : une disposition psychologique et un savoir technique, une familiarité avec les armes.
C’est un officier Juif Soviétique, Alexander Petchersky, soldat de métier, à qui donc l’usage des armes n’était pas étranger, qui décida, planifia et organisa l’insurrection en à peine six semaines. Déporté à Sobibor au début de septembre 1943 avec d’autres Juifs, également soldats de l’Armée rouge, Petchersky eut la chance de ne pas être immédiatement envoyé aux chambres à gaz, comme le reste de ses camarades : sur les 1200 personnes qui composaient ce groupe, les Allemands sélectionnèrent une soixantaine d’hommes dont ils avaient un besoin pressant pour des travaux de force et de maintenance. Leur tour de mourir viendrait un peu plus tard, comme ce serait également le cas pour les cordonniers, tailleurs, orfèvres, lingères, quelques enfants aussi, qui résidaient depuis des mois ou des semaines dans la partie du camp appelée « camp numéro 1 » (le « camp numéro 2 », où se trouvaoient les chambres à gaz, étant le camp de la mort proprement dit, qui jouxtait le premier) et formaient une main d’oeuvre esclave au seul service des nazis, elle-même périodiquement liquidée.
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