IRENE NEMIROVSKY
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Il y a cinq ou six ans encore, qui se souvenait du nom d’Irène Némirovsky (1903-1942) ?
Et Suite française fut exhumé en 2004. On connaît la suite, un immense succès non seulement en France mais dans le monde
Irène Némirovsky est originaire de Kiev, née en 1903 dans une famille de financiers juifs russes. Son père, Léon Némirovsky, était un des plus riches banquiers de Russie ; la jeune fille connut une enfance particulièrement heureuse à Saint-Petersbourg. Elle y apprit d'ailleurs le français avant de connaître le russe. Mais lorsque la révolution éclate dans le pays en 1917, Léon Némirovsky préfère éloigner sa petite famille du pays en crise et s'installe en France en juillet 1919. Irène reprend alors brillamment ses études et décroche en 1926 sa licence de lettres à la Sorbonne.
1926 est une année clé de la vie de la jeune femme, puisqu'elle publie son premier roman Le Malentendu (même si elle avait déjà publié auparavant quelques contes et nouvelles, et ce dès 1923) et épouse un homme d'affaires juif russe, Michel Epstein. En 1929, elle donne naissance à sa première fille, Denise, et publie la même année David Golder, son premier grand succès, adapté au théâtre et au cinéma. Le Bal, l'année suivante, raconte le passage difficile d'une adolescente à l'âge adulte. L'adaptation au cinéma révèlera Danielle Darrieux. De succès en succès, Irène Némirovsky devient une égérie littéraire, amie de Kessel et Cocteau, et donne naissance en 1937 à sa seconde fille, Elisabeth.
La Seconde Guerre mondiale mettra un terme brutal à ce brillant parcours. En 1938, Irène Némirovsky et Michel Epstein se voient refuser la nationalité française, mais n'envisagent toutefois pas l'exil, persuadés que la France défendrait ses juifs. Ils préfèrent toutefois envoyer leurs deux filles dans le Morvan. Lâchée par ses amis et son éditeur, Irène porte l'étoile jaune. Elle rejoint, accompagné par son mari, ses deux filles dans le petit village où elles étaient cachés. C'est là qu'Irène Némirovsky rédigera le récit de Suite française, persuadée qu'elle allait bientôt mourir.
Elle est arrêtée devant ses enfants par les gendarmes en juillet 1942, et envoyée à Auschwitz, où elle succombera du typhus quelques semaines plus tard. Michel Epstein, qui avait tout tenté pour sauver sa femme, est également déporté en novembre et immédiatement gazé à son arrivée. Ses deux filles sauvent quelques documents, puis sont placées sous la tutelle d'Albin Michel et Robert Esmenard (qui dirigea la maison d'édition) jusqu'à leur majorité. linternaute
Des documents apportent un tout autre éclairage sur Irène Nemirovsky et révèlent la grande ambiguïté de sa personnalité. On découvre avec stupeur et un certain malaise, que sa vie, son œuvre, ses fréquentations ont été marquées par le déni de soi, et le dénigrement de ses origines juives
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2 commentaires:
Dans son exode, sa fille de 13 ans a gardé précieusement le manuscrit de sa mère : "Suite Française", qui obtiendra le prix Renaudot à titre postume en 2004.
C'est la première fois, dans l'histoire des prix littéraires, qu'un prix est attribué à un auteur des années après son décès.
Avant de disparaître à Auschwitz, l'écrivain Irène Némirovsky avait brossé le roman vrai de la France occupée. Un témoignage inédit d'une force exceptionnelle
Et si le véritable événement de cette rentrée littéraire était un ouvrage écrit voilà plus de soixante ans, aujourd'hui miraculeusement sorti des tiroirs de l'oubli? Et si cette Suite française, signée Irène Némirovsky - un écrivain qui connut son heure de gloire dans les années 1930, avant de disparaître en 1942 à Auschwitz - devenait l'un des livres phares sur la France de l'Occupation? On peut en effet compter sur les doigts d'une main les témoignages d'une telle force écrits non a posteriori, mais bien durant la guerre. Oui, après Le Journal d'Anne Frank, cette Suite française, exceptionnelle du point de vue tant littéraire qu'historique, est un événement. Et un chef-d'oeuvre.
«On l'a longtemps regardée comme une victime en oubliant son talent»
Née à Kiev en 1903, Irène Némirovsky fut contrainte à un premier exil lorsque, après la Révolution russe, les Soviets mirent à prix la tête de son père. La Finlande, la Suède, Paris. Quand, après des mois d'errance, la jeune Irène se retrouve en France, elle n'a plus qu'une envie: oublier. Et vivre. Dès que son père reconstitue sa fortune, la jeune femme mène une existence fitzgéraldienne. Villégiatures luxueuses, dîners au champagne, bals: c'est au cours d'une de ces soirées qu'elle rencontre Michel Epstein, son futur mari, homme d'affaires comme son père.
Maîtrisant sept langues, riche de ses expériences et passionnée de littérature, Irène a déjà beaucoup publié lorsqu'en 1929 elle envoie à Bernard Grasset le manuscrit de David Golder (1). Ce roman magnifique racontant les splendeurs et misères d'un banquier ukrainien lui vaut la gloire. Et Irène devient cette égérie littéraire - aujourd'hui injustement oubliée - fêtée par Morand, Drieu La Rochelle, Cocteau. Une Sagan avant l'heure.
Un livre testament. Il ne faudra pas dix ans pour que ce rêve tourne au cauchemar. En 1939, les Epstein s'étant refusés à un nouvel exil, envoient leurs deux filles - Denise et Elisabeth - dans le Morvan. Mais bientôt, lâchée par son pays, ses «amis» et son éditeur (le très collabo Bernard Grasset), puis victime de l' «aryanisation» de l'édition, Irène n'a plus le droit de publier sous son nom tandis que Michel est interdit d'exercer sa profession. Le couple rejoint alors les deux petites à Issy-l'Evêque. Et c'est là, sachant pertinemment qu'elle va bientôt mourir, qu'Irène Némirovsky rédige dans l'urgence ce livre testament à partir de ce qu'elle a vu, de ce qu'elle a vécu. Un portrait accablant, saisi sur le vif, d'une France en perdition.
La première partie de ce roman vérité, Tempête en juin, est un récit de l'exode. A travers les destins croisés de plusieurs familles, l'auteur témoigne de ces heures où, face à la débâcle, aux brassages sociaux, se révèlent les vrais visages, les secrets enfouis, les compromissions. Il y a d'abord les Péricand, bourgeois bigots, et leur armée de domestiques. La mère qui veut sauver les convenances et son argenterie, le grand-père dont on oublie la présence mais pas l'héritage, le fils qui rêve d'en découdre et son frère, curé vite abandonné par Dieu. Gabriel Corte, lui, est écrivain. Egoïste, nombriliste, esthète, il doit se colleter, au milieu des carrioles, des blessés et des morts, avec la faim qu'il découvre, la réalité qui l'effraie et la populace qui l'écoeure. Seuls quelques justes comme Louise, la petite paysanne - quatre gosses et un mari au front - ou les Michaud, modestes employés tremblant pour leur fils, gardent leur innocence au milieu de «bons Français» devenus, à la faveur des événements, voleurs, tricheurs. Et parfois même assassins. Dolce, le second volet de cette Suite française, est consacré à l'occupation d'un village. Un face-à-face tissé d'ambiguïté, de «concupiscence haineuse», de fascination et de répulsion, où finissent par se confondre dans un même halo victimes et bourreaux.
Ce livre, Denise Epstein, la fille d'Irène, l'a porté, au sens propre du terme, toute sa vie. Et si, à 74 ans, elle se résout à le faire publier, elle n'en a toujours pas lu, sur épreuves imprimées, la fin - trop douloureuse. On y découvre aussi en annexe un bouleversant échange de correspondances entre Albin Michel (le seul éditeur qui sera fidèle à Irène) et Michel Epstein, montrant comment ce dernier fit tout pour tenter de sauver sa femme, avant d'être lui-même arrêté et de périr dans les camps.
Un devoir de mémoire enfin accompli. Aujourd'hui libérée par cette publication, son devoir de mémoire accompli, Denise Epstein confie avec une émotion contenue: «Bien sûr, cette Suite française est un roman, mais c'est surtout le journal de bord de ma mère, écrit au fil des années noires. Tous ces personnages qu'elle décrit et maquille à peine, nous les avons connus, ces situations, nous les avons vécues.» Et de poursuivre: «Dans les années 1930, maman voulait croire que la France défendrait ses juifs. On l'a ensuite longtemps regardée comme une victime en oubliant son talent. J'espère que ce livre rendra justice à ce qu'elle était avant tout: un écrivain.»
Puis, déroulant sa propre histoire comme un épilogue à cette Suite française, Denise Epstein poursuit: «Lorsque maman a été arrêtée par les gendarmes français, elle m'a dit qu'elle allait en voyage. Puis elle est partie sans une larme. Le lendemain, quand la bonne a omis de mettre le couvert de maman, papa était fou de colère.»
Après l'arrestation de Michel Epstein, Denise (13 ans) et sa soeur Elisabeth (5 ans) sont à leur tour traquées. Au moment de remplir leur petite valise, Denise doit, la mort dans l'âme, abandonner sa poupée Bleuette pour sauver le manuscrit de sa mère. Puis, des mois durant, les deux gosses errent sous un nom d'emprunt de caves en couvents. Dans la rue, Denise apprend à masquer son nez. La nuit, elle doit bâillonner sa petite soeur pour éviter qu'elles ne soient repérées.
Il faudra près de dix ans pour que Denise trouve le courage d'ouvrir ce manuscrit. Et ce n'est qu'en 1975, lorsqu'une inondation menace de détruire les précieux feuillets, qu'elle décide de les recopier à la main. «A l'époque, explique Denise Epstein, j'avais des scrupules à publier ce livre qui devait former une trilogie. Puis Elisabeth, devenue éditrice [Elisabeth Gille] et écrivain, s'est attelée à une biographie imaginaire de maman - Le Mirador - et il était hors de question de mélanger les genres.»
Quand, l'an dernier, Denise a rencontré l'éditrice Myriam Anissimov, elle a fini par lui confier qu'elle possédait un texte inédit de sa mère. Cette Suite française, qu'enfin nous découvrons, ébahis.
(1) A lire également, deux romans phares d'Irène Némirovsky, David Golder et Le Bal, tous deux publiés chez Grasset dans la collection les Cahiers rouges.
l express
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